Les Enfants du siècle, quel beau titre, qu'est-ce que c'est mussetien. Un peu normal puisque ce film a pour ambition de nous conter les amours entre l'auteur de Lorenzaccio et George Sand. Enfin, entre une ambition et la réalisation de cette dernière, il y a un fossé que seul(e) un(e) cinéaste de talent peut réussir à combler. Mais Diane Kurys ne fait pas partie de cette catégorie.


À l'image d'un Gustave Planche, censé puer à dix kilomètres à la ronde, mais joué par un Patrick Chesnais qui donne plutôt l'impression d'avoir pris une douche le matin même avant d'aller sur le plateau de tournage, on ne sent rien.


Oui, nos deux écrivains ont vécu des amours tumultueuses, oui, Alfred de Musset était un queutard dépressif toxicomane et alcoolique pouvant avoir d'effroyables éruptions de violence, mais dans "amours tumultueuses", il y a aussi "amours", c'est-à-dire la promesse d'un geste tendre, d'un baiser langoureux, même d'un petit "Je t'aime", le minimum quoi. Or pendant les 100 premières minutes, on a deux "amoureux" qui ne font que se tirer la gueule, qu'être malades et que s'affronter physiquement ; uniquement cela. Et on doit ressentir une quelconque passion avec cela ? Désolé, Juliette Binoche et Benoît Magimel ont beau faire ce qu'ils peuvent, mais je ne vois pas deux êtres foudroyés par Cupidon. Il faut attendre 100 minutes sur 130 de film pour voir un acte, pouvant s'apparenter à de l'amour, avec un coït. 100 minutes, ce n'est pas un peu tard pour convaincre ?


Pour ce qui est des seconds rôles, Robin Renucci, quasi-figurant, Karin Viard, figurante, Isabelle Carré, figurante, Patrick Chesnais, douché ou non, figurant, Ludivine Sagnier, figurante, etc. Rien de creusé à ce niveau-là. François Buloz, Pietro Pagello, Marie Dorval, Aimée d'Alton, Gustave Planche, Paul de Musset, Mme de Musset, Hermine de Musset, Jules Sandeau, Eugène Delacroix, ce sont juste ici des figures de cire que l'on se contente d'exposer et non pas des êtres de chair et d'os qui peuvent apporter de la consistance et de l'émotion à l'ensemble.


Il y a bien quelques idées qui auraient pu apporter quelques choses de poignant, de fort.


Les relations entre Alfred de Musset et son frère Paul, le premier aussi turbulent que l'autre est pondéré, mais ayant une tendresse réciproque indéniable ? Non, c'est trop bon scénaristiquement, on ne va pas s'appuyer sur cela.


Le traumatisme de la mort du père qui contribuera à façonner la personnalité troublée de l'écrivain, allez hop, une ellipse maladroite mise au mauvais moment au montage, c'est-à-dire trop tôt (la caméra aurait peut-être pu s'égarer quelques minutes sur la tristesse profonde d'Alfred pour nous la faire partager, non ? Non, bon !), qui ne réussit qu'à ne faire croire que cela n'aura aucune incidence sur la suite.


Le début, en flashforward, avec George Sand dans son Nohant adoré, choquée et furieuse d'apprendre la publication du trop autobiographique La Confession d'un enfant du siècle par son ancien amant, on va l'exploiter pour la suite ? Euh non. Cette scène d'introduction ne sert à rien, mais ce n'est pas grave, on n'est plus à une connerie près.


Et Michel Robin (qu'en plus j'adore, pour son grand talent évidemment, mais aussi parce que son visage et sa silhouette m'inspirent la sympathie !) en serviteur dévoué des de Musset, en voilà un beau personnage pour injecter de l'émotion tout au long du film. Ben non, on le balance juste dans les dernières minutes, sorti de nulle part. Heureusement que Robin est un grand acteur et réussit à donner beaucoup avec le trop peu qu'on lui a donné.


Bref, ce n'est pas le tout de vouloir faire un film sur des écrivains, encore aurait-il fallu savoir écrire soi-même, que ce soit avec de l'encre ou avec de la pellicule.

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le 15 nov. 2020

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Plume231

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