Dans les années 80, Lee Israël est une autrice spécialisée dans les biographies. Elle n’est fidèle qu’à son chat, a fait fuir les femmes de sa vie et tout autre compagnie. Son éditeur ne croit pas en sa prochaine biographie sur Fanny Brice, une actrice qui la fascine. A la lisière de la société, elle sombre définitivement dans la misère après avoir bu au bureau - elle occupe un petit boulot alimentaire- et injurié son patron. En traînant dans un bar, elle croise Jack Hock, un autre marginal, homosexuel, dealer cocaïnomane. Ils montent une affaire autour de correspondances de personnes célèbres décédées, mi-trafic d’anciens, mi-faux. Lee se prend au jeu, elle s’enthousiasme pour un exercice qui fait revivre ses idoles et où elle se découvre un don pour se couler dans le style d’autres et faire des mots piquants. Mais elle finit par se faire repérer, arrêter et condamner. Elle tirera une autobiographie de son expérience.


J’ai été émue face à la vie de cette femme. On y sent sa précarité : la dure vie de l’écrivain, la misère, la solitude. Mais aussi son obsession pour l’écriture. C'est probablement une écrivaine médiocre, en tout cas sans génie propre. Mais elle a ses propres intérêts, les stars d'un monde révolu, de ce temps où on faisait preuve d'esprit. Et c'est une tâcheronne acharnée, qui hante les bibliothèques pour se documenter. Elle a à peine besoin de la sociabilité ténue, peu fiable, qui se perpétue par miracle. Son appariement avec Jack Hock peut s'expliquer : ce sont probablement deux dandys en quelque sorte, des marginaux fiers de leur différence et de leur culture, intransigeants, qui préfèrent vivre dans un monde fait de références littéraires plutôt que dans la société.


Cet univers triste, fait de solitude mi-subie mi-choisie, est ici sublimé par la photographie, des teintes ocres et dorées, lumineuses et poussiéreuses à la fois, et un jazz mélancolique empli des standards d'antan. Comme si la réalisatrice avait réussi à reconstituer un cocon esthétique similaire à celui que Lee Israël avait créé dans sa pratique de l’écriture.

PolaireFerroviaire
8

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le 3 mars 2020

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