Dire que j'attendais Les Garçons sauvages est un euphémisme. Au hasard d'une conversation sur le net, bande annonce à l'appui, ce projet m'avait séduit.


Dès la première séquence, le ton est donné. Le film se veut théâtral, grandiloquent et perturbant. Un meurtre saupoudré de bondage relevé au "Bukkake", quelques regards caméras, puis un procès surréaliste. Déjà j'étais comblé, déjà j'étais déçu.
La photographie est superbe, inventive, constamment à la recherche du plan qui parviendra à sublimer nos moussaillons. La traversée claustrophobique, cette ile luxure-iante: tout est sublimé par la caméra du réalisateur.
Très vite aussi nous comprenons le plan du Capitaine, venu mat(t)er les cinq bougres promis à un avenir radieux digne d'Orange Mécanique. En effet, ayant pour seule nourriture un oursin en forme de sexe de femme (ou l'inverse), ces garnements androgynes, au terme d'un terrible voyage, vont se transformer peu à peu en femmes sur une île faite de plaisirs et de morts. Ainsi, pour guérir la violence masculine qui semble posséder nos garçons sauvages, le capitaine - sous l'impulsion d'un étrange personnage - veut les transfigurer.
Le premier problème survient ici. Outre l'absence de subtilité quant à la transformation, le film affirme que la violence est une pulsion masculine, tandis que la femme se veut douce, tendre... et même domestiquée. La "fille" du capitaine en est l'incarnation. Elle est d'ailleurs moins présente à l'image que la chienne du capitaine, chienne que tous les garçons (selon les mots du film) voudraient devenir.
L'autre problème, plus important encore, est l'absence de subtilité. Je peux comprendre la nécessite d'une nudité frontale, l'intérêt de quelques verges pour souligner un propos. Cependant, la sexualité dans ce film est traitée avec autant de délicatesse qu'une romance dans Double Impact. Avec nos Robinson nous croulons sous les sexes, les fluides et les poils ad nauseam. On martèle que cette île "sent l'huitre" et les éjaculations faciales se font festives. Aussi, je reste circonspect quant au fait qu'un film qui semble, en partie, militer pour la libération sexuelle avec son allure très 70's s'abaisse à "iconiser" un totem de bites crachant à la gueule ses humeurs dans la pure tradition vulgaire (et un brin avilissante) du porno fast food qui pullule sur le net.
Les sauvages se perdront, ou deviendront des victimes. "Vendredi" ("Friday" dans le texte) s'alliera au docteur Moreau du coin; et tandis qu'on nous parle d'amour, on ne nous montre que le stupre. La libération sexuelle n'est pas simplement permettre toutes les formes de sexualité, c'est aussi, et surtout, s'affranchir de la domination de l'autre. Mais dans Les Garçons sauvages, même les sexes libres et hermaphrodites garderont solidement la corde au cou.


Reste un film formellement beau, parfois grotesque (comme l'incrustation du visage du capitaine dans la montagne... sérieusement je n'ai pas compris), onirique et vaporeux. Un film magnifiquement interprété, certaines actrices crevant l'écran, proposant un univers curieux et fascinant. Quelle est cette société? Qui sont ces juges ? Ces profs ? Ces parents ? Ce long métrage n'est pas sans piquer notre curiosité. Mais c'est aussi un film qui souffre de ses gros sabots et d'un message maladroit, ou pire... un message futile.
Difficile donc d'être sentencieux. Une magnifique coquille qui sera soit vide, soit pleine de vase où certains pourraient y trouver quelques perles. La destination valait-elle le voyage ?

StevenMcGuffin
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le 1 avr. 2018

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Steven McGuffin

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