Une serre en noir et blanc, ouvre la trame narrative de ce deuxième film de Kira Muratova, qui joue une superbe partition intimiste, s’attarde de nouveau sur un monde en rupture, déconstruit les rapports entre une mère, et son fils, sous l’attraction d’un père éloigné ou absent ou fantasmé.
Comme dans « Brèves rencontres », le piano de Oleg Karavaitchouk distille une ambiance élégiaque ou obscure.
La caméra mobile se love avec finesse dans cette défiliation, celle d’Evguenia Vassilevna, la mère éperdue, bavarde, séductrice, insupportable, et son fils, Sacha, silencieux, rêveur, décalé.
Le montage, fait syncoper les visages en gros plan, les regards appuyés, les dialogues incessants et répétitifs, les rires forcés, les jeux de mots, les sens y compris celui de l’humour, mais vite grinçant...
Les fleurs et leurs reflets, les racines que l’eau sculpte, la mer, se téléscopent avec les intérieurs bourgeois qui concentrent l’incommunicabilité, entre la femme, crétine topographique et l’adolescent, étouffé d’affection.
Les stades glaiseux où la jeunesse s’ébat sur fond de cités ouvrières, la poste dans laquelle la lettre qui s’écrit se destine aux êtres qui manquent, la gare floutée au loin, laissant voir le train, partir vers un horizon gris, autant de palimpsestes chers à Muratova.
Rêve éveillé, rêve d’argent de l’adolescent, en miroir d’une société russe en quête de liberté, tourné en 1971, ce film poétique fut évidemment perçu comme ‘bourgeois, mielleux, et condamné par le comité central du Parti’.

Goguengris
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le 12 oct. 2019

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