Cape Fear de Martin Scorsese.
Bon, voyons voir... C'est l'histoire d'un avocat (joué par N.Nolte) qui est traqué...
Ce qui est bien avec les films dans lesquels joue Nick Nolte, c'est qu'on peut deviner ce qu'on va y retrouver et ce que le sieur va nous apporter. Énumération : des chemises à carreaux et polos boutonnés jusqu'en haut, qui lui donne une allure sérieuse et respectable pour des rôles d'avocats ou de traders (penser à y ajouter les bretelles dans ce cas là!) avec lunettes rondes. Des tics nerveux et notamment une habituelle torsion brutale du cou, en cas : d'étonnement, de désapprobation, voir carrément, en cas de bouffés de rage (ça,c'est généralement sans lunettes). Une contorsion de la nuque, qui est souvent suivie d'un regard de travers accompagné d'un œil plissé tourné vers un interlocuteur ( coucou Peter Falk) capté par un gros plan de caméra, ou alors accompagnée d'un geste de main pour repousser ses lunettes en bas du nez (car oui chez N. Nolte on sait varier).
Mais il y aussi des flingues (car N.Nolte joue aussi très souvent les flics) généralement du type Colt. Enfin on n'en n'est pas certain car nous n'avons jamais de notre vie tenu de flingue entre nos mains , même si une petite visite sur ce site (http://www.imfdb.org/wiki/Cape_Fear_(1991)) nous assure que oui ,c'est bien un colt. ( Ouf!!! on a eu chaud ).
Bon, rassurez-vous on a bien droit à ( presque) tous ça dans Cape Fear. Et à la figure de l 'homme d'affaire (ici un avocat) brillant, avec toutes les marques de la réussite (la villa, la femme de ménage, la vie de famille, plusieurs voitures etc..), et plus encore (la maitresse, la vitalité ....le veinard ! ) qui va voir sa vie retournée sans dessus-dessous à l'apparition d'un élément du passé, et laisser apparaitre un personnage; bien souvent campé par Nick , celui de l'homme bourru! A la fâcheuse tendance à : serrer très fort les dents en signe de protestation, à suer du front, ce qui généralement fournit le prétexte à la caméra pour nous le montrer de très près : au point de pouvoir distinguer les pores de sa peau se dilater.... procurant ainsi à la scène une vraie .... tension....? ( à vous de voir).
Comme on est dans les généralités, je me permets de vous dire que la plupart du temps la sudation eprouvée à l’écran par M.Nolte est très souvent liée au port de ces fameuses chemises et polos boutonnées jusqu'en haut, mais rassurez-vous il regagne généralement son calme en étreignant plus tard un fameux revolver brillant pour en découdre avec quelqu'un, ce qui semble lui procurer une aide appréciable pour dénouer ses tensions ( re-oufff!).
Bon maintenant que tout cela a été dit, reprenons l'histoire : l'avocat, Max Bowder, se voit menacé par un ancien détenu, totalement maniaque, et incarné par Robert de Niro ( je ne me risquerais pas à établir toutes ses attitudes.. beaucoup trop de regards inquiets jetés sur les cotés, qui précèdent généralement une avancée de son visage en signe de secrets racontés voir de menaces susurrées à la discrétion d'un autre personnage..) Donc ce truand sadique de Cady a bien décidé de se venger de son avocat qui au lieu de le défendre avait omis de verser au dossier des informations susceptibles de l’innocenter.


Bon arrêtons nous là pour le récit.


Comme beaucoup de films de Scorsese, on y retrouve certains thèmes (liste non exhaustive), comme la religion, la colère, le pouvoir, la folie, la famille, et la transgression. Qu'elles soient des règles sociales, de soi-même ou de son milieu.( la transgression ça le connait le Martin!)
Ce qui m’intéresse ici dans cette courte critique, mais avec une ( trop???) longue intro est l'évocation d'un motif, celui du mouvement.


Dans Cap Fear le mouvement est partout! Pour s'en convaincre il suffit de regarder les premières images du film et son générique où l'eau ( la rivière Cap Fear) déjà animée par d'étranges mouvements, nous donne à voir des figures mouvantes et en mouvement.
Mouvement souligné par la caméra et les très nombreux travellings vers le visage de N.Nolte dans la première partie du film, par les panoramiques en direction des objets ou en écho au ping-pong verbal des personnages, par les plans avec filage ou raccords mouvements pour induire la continuité du récit, et par le montage alterné dans l'exposition du film.
Le mouvement semble dans les débuts du film l'apanage de Bowden, homme en mouvement aussi bien dans sa partie de squash, qu'avec sa maitresse qu'il éconduit, en déplaçant sa petite famille à l’intérieur après avoir vu Cady sur le parking, va voir son conseiller, le détective, simule un faux mouvement avec un faux départ en avion... mais revenons en arrière car à ce moment là Bowden n'est déjà plus celui qui dicte le mouvement. Non ses mouvements sont déjà dictés par quelque-chose d'autre de nouveau qu'il contrôle d'habitude : ses émotions. Et une en particulier: la peur!
Le mouvement de Cady met un terme à ceux de Bowden : Cady prive Bowden de ses clés de voiture et ainsi de partir, à la suite il le voit au volant de sa Cadillac, Bowden est à pied, Cady part le laissant immobile sur le trottoir (la séquence commençant par un mouvement de travelling sur l'aile de la voiture, finit avec la caméra embarquée dans la voiture avec Cady). Mais avec le balayage des trajectoires se superpose un autre mouvement, celui imperceptible normalement : celui des émotions ( grâce à ces fameux gros plans sur le visage de N.Nolte évoqué plus haut).
La scène des miroirs est là pour nous en convaincre, Bowden encore loin d'être inquiété par Cady, initie la relation sexuelle avec sa femme. Et dans un plan digne de Brian De Palma Nick Nolte immobile observe sa femme et lui intime l'ordre de "refaire ce mouvement", et de l'immobiliser à l'image de son désir. Suite à cela on observe les émotions qui embrasent J.Lange dans une étrange image de N/B dé-saturé comme une radioscopie sous-cutanée de ses émotions.


Mais c'est véritablement la scène du défilé du 4 juillet qui marque l' inversion des rôles entre les deux personnages. Scène où le personnage de N.Nolte fera éclater sa colère en bousculant Cady le jour de la fête nationale Américaine à la vue de tous, bousculant du même coup ce derrière quoi le personnage de Bowden avait l'habitude de se cacher, son masque social, celui des conventions, de l'apparence, de l'assurance. Le défilé où les spectateurs figés, observent l'évocation de la tradition (les garçons en soldats, les filles en majorettes).
Dans cette scène Bowden traverse la rue, produisant ainsi le mouvement inverse du public, et alors qu'il le fait, un des garçons de la statue de la bataille d'Iwo Jima se retourne et nous regarde face caméra (une statue qui bouge!!), faudrait -il voir ici dans ce symbole une réflexion sur l'expression de la violence comme élément rituel et faisant partie de la tradition de l'Amérique par Scorsese ( à vous de voir !)?
De cette échange des rôles débouchera une explosion de violence.


Le film finit sur un bateau amarré par Bowden mais détaché par Cady qui grâce à un ultime ex machina se verra emporté par les flots mouvants, psalmodiant, et Bowden immobile échoué, seul loin de sa famille, et qui effrayé par une dernière révélation/vision procurée par l'eau de la rivière ne peut se résoudre à prendre conscience


.


Cap Fear est un drame baroque éminemment Hitchockien mais aussi bourré de clins d’œil à d'autres films "La nuit du chasseur "à "Qu'est-il arrivé à Baby Jane"( Illeana Douglas ressemble drôlement à Bette Davis non ?), puisant sa source et des thèmes chers à un auteur comme Tennessee Williams (La ménagerie de Verre, Un tramway nommé désir, Chatte sur toit brulant) et dans l’œuvre de Mark Twain, qui s'inscrit profondément dans le sud des États-Unis.

PLatoon33
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le 14 mai 2020

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PLatoon33

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