12 ans après L’étrange Noel de Mr Jack, Tim Burton, désormais réalisateur, ne compte pas dire au revoir à la stop motion, encore moins à la comédie musicale. En 2005, il était de retour avec Les Noces funèbres, film inspiré de la légende de La Mariée morte. Poésie, gothique, horrifique, humour noir, romantisme, délicatesse et tendresse, écoutez l’histoire à faire pleurer un squelette. Les vivants peuvent-ils épouser les morts ?


Vous pouvez embrasser la mariée


Jusqu’où peut aller l’imagination de Tim Burton ? Pourquoi son univers si particulier fascine autant ? Tim Burton, c’est un véritable artiste, une sorte de peintre regardant sa toile blanche et peignant quelque chose qu’on n’a jamais vu et qui éblouit. Après « Big Fish » et « Charlie et la chocolaterie », malgré le début de l’ère du numérique, le réalisateur, marginal, ne compte pas dire au revoir aux marionnettes et à la stop motion.


Avec ces Noces funèbres, il décide d’aller plus loin qu’il ne l’avait été avec L’étrange Noel de Mr Jack, la stop motion fut remise au gout du jour. « La mariée morte » est au départ une nouvelle de quelques paragraphes. Pourtant, cette légende a attirée son attention. C’est décidé, il en fera un film. Et quel film ? Rien qu’en le découvrant au cinéma le jour de sa sortie, l’émotion, était la même ressentie pour les autres œuvres du réalisateur. Ca se ressent dès les premières minutes, Burton, il est impliqué dans l’aspect créatif. Les dessins et les story-boards, ça passe par lui, c’est Sa vision des choses.


Beau, imaginatif, étrange, surréaliste, féérique, poétique, fascinant, visuellement, Les noces funèbres sont semblables à L’étrange Noel de Mr Jack. Rempli de poésie, d’humour noir et d’une douceur tendre à la fois émouvante et bouleversante, tout se marie très bien, cette œuvre nous plonge une nouvelle fois dans l’univers de Tim Burton.


Nous touchant à la fois par son histoire et ses dialogues, notre film compte aussi sur ces personnages auxquels on s’attache. Comment ne pas éprouver de l’empathie pour Emilie, brisée, naïve, qui arrive pourtant à garder le sourire et valser de bonheur malgré son cruel destin ? Quant à la galerie des autres personnages, elle n’en demeure pas moins sympathique, truffée de détails. Tim Burton ne manque pas encore de nous montrer tout son amour pour le gothique, les forêts, la mort, les cimetières, l’élégance de l’ère victorienne, les chiens, les mariages maudits, ainsi que les préjugés sur ce qui devrait être beau/terrifiant. Burton est un grand romantique, ça, il n’a plus à nous le prouver et ce, depuis la sortie de son Edward aux mains d’argent.


En parlant d’Edward aux mains d’argent, le physique, le faciès et les traits de notre protagoniste Victor, ressemblent à s’y méprendre à Edward. Tout du moins, le Edward qui devait être terminé par son père. Empoté, timide, peureux, Victor fait rire autant qu’il est attachant. Il en va de même pour Victoria, sa future fiancée, prude, douce, calme, empêtrée par des parents autoritaires et stupides, ne s’intéressant qu’à l’argent.



J’ai passé tellement de temps dans le noir que j’en avais presque
oublié la splendeur du clair de lune.



Tragédie Burtonesque


Les noces funèbres se veulent poignant alors que l’on navigue pourtant dans un océan macabre, effrayant et déjanté. C’est là toute la magie et le génie du réalisateur, transformant tout cela en un long métrage charmant où les chansons ont beau être très présentes, elles contribuent à passer un agréable moment seul ou en bonne compagnie. Quant à Danny Elfman, éternel partenaire de Burton, il continue de nous sublimer le tout par sa musique mélancolique, amusante, terrifiante ou féérique. Le thème de Victor (et par ailleurs thème principal) est la quintessence de ce film tout comme l’a été « Ice dance » pour Edward aux mains d’argent.


De bien des manières Les noces funèbres arrivera à vous émouvoir tout en vous amenant parfois à réfléchir. Les messages, ce n’est pas ça qui manque. L’amour ne se commandant pas, se sentir rejeté, l’importance d’avoir confiance en soi, la critique de la cupidité, les serments de mariage ne sont pas à prendre à la légère, la difficulté de vivre seul, l’apparence moins importante que ce que la personne est à l’intérieur, ne pas avoir peur de la mort et des morts.


Le contraste entre le monde des vivants et le monde des morts est sans appel : Qu’il est bon d’être mort. Afin de nous montrer la différence entre ces deux mondes, Tim Burton propose de changer les codes couleurs en les inversant. Le monde des vivants sera en noir et blanc (avec quelques touches de marron foncé), celui des morts en couleurs pétantes (bleu et vert en tête). Résultat, ça marche, ça ne déstabilise même pas d’évoluer entre ces deux lieux.


Le monde des vivants propose une atmosphère morose, déprimante, routinière, une société tendue, rigide comme le majordome « pointilleux » des Everglot. Se déroulant en pleine époque victorienne, Les noces funèbres accentuent sur ce sentiment de répression à cause de toutes ses règles, ses manières, ses fausses coutumes. Le monde des morts, lui est pittoresque. La joie et la libération se ressentent à chaque coin de ruelles. De plus, la fête est de mise quand un nouveau débarque. Contrairement à toutes les autres œuvres axée sur le monde des morts, Les noces funèbres n’obéit à aucune mythologie, encore moins aux règles avec des personnages venant de toutes époques.


Un monde de vivants biens plus mort que celui des morts ? Plutôt comique. L’au-delà a l’air visiblement bien plus sympathique que notre monde. Tim Burton oblige, les personnages ont le visage et le corps soit étirés, soit tassés. De longues gambettes toutes fluettes pour notre Victor histoire de bien appuyer sur son caractère de grand benêt, un visage grave et une corpulence presque courte sur patte pour son futur beau papa pas très commode se déplaçant tel un crabe. Que dire du physique du crieur de rues ? Il ressemble exactement à la cloche qu’il secoue. Les personnages, qu’ils soient vivants ou morts sont stylisés et drôles. Les morts n’ont pas une apparence choquante, elle fait au contraire rire. Car oui, le coté épouvante, tout comme un certain Beetlejuice, y est insolite.



Un cœur qui a cessé de battre peut-il encore se briser ?



Au final, Tim Burton a toujours su capter l’essence même de ce que devrait représenter l’amour par delà la mort. Le voila nous le confirmer une nouvelle fois avec Les noces funèbres. Emouvant, amusant, envoutant, magnifique, sortant de l’ordinaire, cette belle histoire d’amour sombre et humoristique risque de vous faire verser quelques larmes.

Jay77
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le 29 déc. 2017

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Jay77

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