« Les nouveaux chiens de garde » est présenté sous forme de documentaire faisant un portrait radical de la connivence évidente entre les groupes de médias, leurs journalistes et le corps politique. Les réalisateurs Gilles Balbastre et Yannick Kergoat s'inspirent pour leur production de l'essai éponyme de Serge Halimi, ce journaliste du Monde diplomatique qui s'était lui-même inspiré, du fameux essai philosophique « Les chiens de garde » de Paul Nizan en 1932. L'un dans l'autre, l'idée reste la même : montrer la véracité d'un monde dans lequel nous évoluons, parfois contraints par des choses qui nous échappent complètement.

La construction du documentaire se fait sur un ton quelque peu sarcastique. La question récurrente est la suivante : les choses ont-elles évolué depuis que ces différents transmetteurs d'idées ont évalué la chose ? Bien sûr, lissant leur image surfaite, leurs chevaux gominés et leurs sourires « bright », les acteurs... que dis-je, les stars de la presse française estiment les médias indépendants et libres. Effectivement, les droits de l'homme et la liberté de la presse ont connu une évolution considérable mais c'est sans compter de réelles corrélations mettant en défaut ce que l'on veut émettre comme caractéristique de la presse d'aujourd'hui, c'est-à-dire : l'indépendance, l'objectivité et le pluralisme. Le premier se dément surtout par une promiscuité exacerbée des médias avec les dirigeants du pays. On y retrouve évidemment les infatigables groupes financiers tels que Lagardère, Bolloré ou Bouygues, se faufilant à l'insu de beaucoup dans la plupart des produits médiatiques que nous consommons chaque jour. Le second se heurte rapidement dès lors que l'on évoque cette fameuse connivence. Le dernier est absent de beaucoup de journaux – hors certains résistants de l'opinion – et l'on retrouve une sorte de paresse générale et une exubérance du sensationnalisme.

La connivence entre journalistes et politiques va encore plus loin qu'une simple relation et fréquentation de travail. Souvent, et ceux qui s'essayent au secteur journalistique le savent, le parcours d'un journaliste « connu » relève plus des sciences politiques que du journalisme pure. Les meilleures écoles françaises de journalisme privilégient les candidats aux parcours liés à la politique. Le documentaire évoque en plus ce manque de stabilité où l'on s'aperçoit que les journalistes sautent souvent d'un support à l'autre, quel que soit leur position politique. Le documentaire faire un retour régulier sur le fameux club de réflexion parisien, «Le Siècle », où se réunissent une fois par mois les acteurs les plus influents de France. On voit l'uniformisation du milieu, même pour les plus grands contestataires qui finissent par s'aligner, tel des moutons, sur une sorte d'éditorial général de la classe dirigeante.

Un peu long pour un documentaire (presque deux heures tout de même), on aperçoit cependant, par ce travail richement documenté, une réalité qui ne peut que nous faire réfléchir sur notre position et nos choix quant aux médias. On pourrait reprocher une vision unique du phénomène mais il est clair qu'on en vient à s'interroger sur cette prétendue position du contre-pouvoir de la presse et son rôle de quatrième pouvoir. Un documentaire qui tend à secouer, on l'imagine dans son objectif initial, le peuple. Un outil pédagogique et de prise de conscience radicale fortement intéressant. On sent l'envie des auteurs de proposer quelque chose de dynamique davantage présenté comme un réel combat. Un "combat" voilà un terme que les auteurs ont voulu faire passer. Leur idée : "fournir une arme dont il (ndlr : le spectateur) pourra se saisir pour aller lui-même au combat". Ils estiment que ce sujet concerne toutes les classes sociales. Certains parleront de « simplisme » concernant un bloc de contestations qui critique un autre bloc. Leur idéal a été de poser des questions, non simplistes, mais précises et qui demandent des réponses claires. Et en parlant de question, je terminerai sur une interview très intéressante de Yannick Kergoat et Gilles Balbastre au lien suivant : http://www.lesnouveauxchiensdegarde.com/spip.php?article11.... (section "entretien").

Wouf !
Gaeru83
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le 22 janv. 2012

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Gaël Barzin

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