Quoi Deneuve à l'horizon ? Cinquante ans après, je débarque dans un coin de Normandie...

Comment noter ce truc ? Tout d’abord, avant de lancer la galette, je ne savais pas du tout ce que j’allais voir, un vieux truc assurément, sans doute ringard, mais bon, le film fut l’objet d’une intense discussion et les résultats d’un compromis. Allons donc, j’aime la surprise, je n’ai peur de rien. Je dois dire que sur ce point, ce fut au-delà de toute espérance, je ne savais pas que c’était un film chanté, je ne m’attendais pas à un truc aussi risible, à tel point que je me pris d’un fou rire dès la première scène au garage. Comment peut-on dire de telles choses de façon aussi niaise ? Comment peut-on écrire de tels textes pour des acteurs ? Comment accepter en tant que comédien de prononcer de telles âneries ? Ce film est un ovni, un objet filmique pour le moins déconcertant.

En revanche, sur le plan de la technique, on a de belles choses, Catherine Deneuve est assurément une très belle plante, son maquillage la rend magnifique (bien que je n’aime pas le maquillage, en général).

Mais quoi Deneuve à l’horizon me direz-vous ? Et bien pas mal de choses, finalement, on est en 1964, on sort de la guerre d’Algérie, euh, pardon, des "événements", on ne parle encore que peu de ce traumatisme ; on est dans une France gaulliste, conservatrice, où le poids des traditions écrase toute liberté ; une France où la majorité est à vingt et un ans, où il est pour beaucoup inconcevable d’avoir un enfant sans être marié, où on arrange quand on peut les mariages de ses enfants… C’est d’une autre France que celle d’aujourd’hui dont il est question dans le film, une France où l’on pense mais où l’on ne dit mot, une France d’hypocrisie où toutefois, si la vie n’est pas toujours rose, l’on s'essaye quand même n'être pas trop morose.

On ressort de ce film en se disant que c’est complètement crétin, le film est d’un prévisible (et pourtant, je suis rarement un bon devin), et en même temps, on n’a pas passé un si mauvais moment, ça a du bon de se moquer, de s’esclaffer, de se dire, non, ils n’ont quand même pas osé, on se sent tout de suite mieux, la confiance remonte, on se sent supérieur, élevé au-dessus du niveau de connerie auquel on croyait être abonné. Non, ce film nous rend intelligent, en tout cas il nous le fait croire, et ce n’est pas désagréable !

Voilà quelles étaient mes impressions après un premier visionnage : une déception, sans doute, mais surtout une grande surprise, puis une forme de respect pour les partis pris, pour les risques, pour le message, pour l’originalité, et au final pour ce que ce film procure au spectateur. Il m’a fallu un peu de temps pour apprécier intellectuellement ce film, alors que j’avais quand même plutôt passé un bon moment ; il m’a fallu le revoir, prendre un peu de recul, dépasser la surprise initiale pour pouvoir l’apprécier de façon un peu plus raisonnée. C’est ça qui est chouette dans le cinéma, la surprise qu’il peut procurer, même si elle est trop rare, les émotions, pas forcément prévues, avant une forme d’intellectualisation qui peut aussi permettre d’appréhender le film d’une autre manière, et qui nous permet d’en mieux saisir toute la richesse. Alors comment noter ce film ? Après plusieurs mois de recul, ma note n'est plus la même, plus haute que celle que j’avais adopté initialement. Il me faudra le revoir pour le savourer encore une autre fois, encore différemment. Je crois que je n’aurai pas de déplaisir à ouvrir une fois de plus ces parapluies. Même à Cherbourg (ça c’est dégueulasse de la part d’un Brestois, mais je n’ai pas pu m’empêcher).

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le 27 déc. 2014

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socrate

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