L'idée originelle des Parapluies de Cherbourg est bonne : la comédie musicale entièrement chantée. Parce que dans les comédies classiques, les personnages discutent entre eux, et puis tout d'un coup se mettent à faire des galipettes tout en testant leurs vocalises. Pour moi, c'est quelque peu du n'importe quoi, et surtout du peu crédible. Alors, si on aime bien quand ça chante, autant pousser le bouchon jusqu'au bout.
Mais faire un film tout chanté, c'est bien, autant faut-il que ce paramètre soit travaillé, ce que semble avoir ignoré Jacques Demy. Car le texte chanté n'est pas réécrit, il est traité tel qu'il aurait été traité si il avait été parlé, en témoigne l'hilarante scène d'ouverture :
♫-Est-ce que tu viens avec moi ce soir au volet ?
-Non je ne peux pas. Et toi est-ce que tu y va ?
-Bien sûûûûûûûûûûr ♫
le tout sur un air merveilleux de swing qui rend le tout on ne peut plus drôle. Entre les ♫oui♫, les ♫non♫, les ♫à demaiiiiiiiiiiiin♫ et les ♫Élise est mooooooorte♫, ce sont ces petites interjections surjouées qui font perdre du crédit à l'oeuvre (et encore je ne parle même pas des ♫aujourd'hui il y a eu une embuscade, trois soldats sont morts♫ sur un air ultra léger).
Et tout cela est bien dommage car la musique de Michel Legrand (rip in peace) est plutôt efficace. Certes les différents thèmes ne se retiennent pas facilement, à l'exception du thème principal ; le thème des amants. Celui-ci me fend le cœur, et il a beau être utilisé et usé jusqu'à la moelle, chaque fois qu'il réapparaît il gagne en puissance et en mélancolie.
L'histoire, quant à elle, a beau être d'une simplicité, elle est terriblement efficace, en usant de la fatale destinée (tout le monde sait que Geneviève va finir avec Roland, et pourtant personne ne veut voir ça). Et aucun des personnages n'a un rôle de méchant ou d'antagoniste, même Roland Cassard, dont la volonté de se marier avec Geneviève ne se marque que quand cette dernière à un penchant pour lui.
C'est un film qui dresse un portrait de familles """""modestes""""" (le "nous n'avons plus rien" alors que la boutique prouve tout l'inverse est assez mémorable), qui parle du peu de liberté des gens, que leurs choix sont dictés à l'avance... c'est ce qui rend ce film particulièrement triste, alors que je l'avais commencé dans un fou rire.