Attention, cette critique contient quelques spoilers.


Petit à petit, je me rends compte que j’ai bientôt terminé la filmographie de Sam Mendes puisque les sentiers de la perdition est mon cinquième long métrage du réalisateur Britannique. Les qualités et les défauts de ce long métrage sont inhérents aux autres réalisations du bonhomme et on va commencer par évacuer ce qui ne va pas. Un film un peu trop classique et prévisible dans son scénario, une réalisation très propre mais qui est surtout mise en valeur par une magnifique photographie et non par le talent intrinsèque de Sam Mendes qui je l’accorde fait du bon boulot.


On peut également regretter des fulgurances un peu trop rares dans le film ainsi que le personnage de Daniel Craig assez mal écrit car bien trop sombre quand on le compare aux autres personnages qui naviguent tous dans divers zones de gris (hormis le personnage principal et le personnage de Jude Law mais il y’a une raison à cela). Hormis ces détails pas réellement gênant, le long métrage est de très bonne facture avec une photographie magnifique tout en clair obscur qui renforce le côté ambivalent des personnages qui ne sont ni bons ni mauvais mais qui naviguent en eaux troubles avec leurs convictions, leurs bontés et leurs vices.


Une photographie de Conrad L. Hall magnifique qui sert en plus le propos et qui a été très justement récompensé aux golden Globes et aux Oscars. Le scénario bien que prévisible et cependant très bien écrit car au-delà d’une vengeance personnel ou d’un père qui se rapproche de son fils aîné, c’est surtout un père qui tente de préserver son fils de la cruauté de ce monde et de conserver cette part de pureté qu’un enfant doit encore avoir à son âge. Ce personnage éminemment lumineux devra faire face à son antagoniste parfait interprété par un Jude Law impérial qui représente tout simplement le diable ou du moins une faucheuse qui ôte la vie à tous ceux qui se dresse sur son chemin et qui va tenter de convaincre l’enfant de l’abattre pour lui ôter la pureté qui le caractérise.


Un thème éminemment biblique dont Sam Mendes ne se cache pas que ce soit la première apparition de Jude Law impressionnante ou l’image le cadre ce distord et qui fait penser à l’arrivée des Nazguls dans la communauté de l’anneau alors que Frodon quitte la Comté ou dans le Hobbit quand Radagast rencontre le Nécromancien. L’effet de déformation du cadre est certes moins appuyé mais bien présent. Une scène qui reste magnifique car elle plante tout le background et l’objectif du personnage de Jude Law directement et sans aucune parole.


On peut penser aussi à cette scène ou Jude Law gravement blessé au visage par un éclat de verre parvient tout de même à tirer sur le personnage de Tom Hanks qui tente de s’enfuir. Au moment du tir on ne voit que main ensanglanté de Jude Law qui dépasse de la fenêtre et qui tente désespérément d’emmener le père et le fils dans les enfers. Enfin on peut souligner qu’à chaque apparition de Jude Law il y’a au moins un mort ce qui crée irrémédiablement une menace qui flotte et qui peut s’abattre à tout moment. Je parlais avant d’un manque de fulgurance au niveau de la réalisation mais on a quelques scènes incroyables.


On a bien entendu la première scène de Jude Law que j’ai exposé plus haut mais également la scène ou le père juste avant d’abattre son père de substitution va voir son fils qui fait semblant de dormir. Son fils habillé intégralement de blanc est illuminé par sa lampe de chevet tandis que le Tom Hanks habillé intégralement en noir se retrouve a moitié dans l’ombre et a moitié dans la lumière de la lampe de chevet. Il regarde tendrement son fils avant de partir en direction des ténèbres. Une scène magnifique qui résume cette thématique du père qui veut préserver son fils et qui est annonciateur de la fin du film. En effet, alors que se dirige vers un happy ending ou le père et son fils semble enfin se poser dans un lieu paradisiaque, Jude Law finit par les rattraper pour tuer le père et enlever l’innocence du fils.


La scène de meurtre est là encore très réussi car totalement contre-emploi de ce qui se fait à Hollywood. Elle est d’un calme incroyable ou l’on voit à peine la silhouette de Jude Law tirer sur Tom Hanks en premier plan qui regardait la mer et la vision d’un paradis pour lui et son fils qu’il ne connaîtra jamais. Scène d’autant plus belle puisqu’elle est cadrer de l’autre côté de la vitre et qu’on voit nettement les vagues de la mer sur le visage des protagonistes. S’ensuit alors une scène ou le fils hésite à tirer alors que Jude La se dirige lentement vers lui tel une faucheuse pour l’abattre mais que Tom Hanks dans les derniers moment de sa vie tire sur le « diable » pour éviter à son fils de commettre un meurtre et de devenir comme son père un malfrat.


Au niveau des acteurs rien d’exceptionnel même si Jude Law et Paul Newman se détache du lot le premier car il fait réellement peur et le second pour toute l’ambivalence qui entoure le personnage et qu’il l’interprète divinement bien. Les autres sont sympas mais pas transcendant et on peut légitimement regretter un Tom Hanks qui ne brille jamais réellement. La b.o quant à elle reste assez passe partout et je ne m’en souviens pas hormis cette très belle scène de piano entre Tom Hanks et Paul Newman qui montre le profond amour paternel qu’il y’a entre les deux et qui amorcera la décision du personnage de Daniel Craig de tuer froidement la femme et le fils cadet de Tom Hanks du fait d’une jalousie latente envers ce dernier car son père le préfère à lui son propre fils.


Un personnage qui fait penser à celui de Commode dans Gladiator et qui aurait pu être intéressant mais qui reste assez manichéen. De plus malgré toute l’estime que j’ai pour Daniel Craig, il n’a pas le talent de Joaquin Phoenix pour jouer des personnages aussi ambivalent. Pour terminer, je parle de l’innocence du fils, mais ce dernier évolue dans le film. On peut le voir à travers la lecture de son livre qui raconte certainement les histoires d’un héro (qui ressemble à Zorro à l’image). La première fois qu’il lit le livre, il voit son père justement comme un héro qui effectue des missions dangereuses.


Cette vision du héro est renforcé par la distance qu’entretien le père à l’égard de son fils ce qui crée un personnage froid sûr de lui et presque mythologique pour le fils. Une fois qu’il sait la vérité et qu’il part en cavale avec son père, on le revoit lire ce livre. Il est évident que le symbolisme derrière tous ça et autre. Tout comme le personnage du roman, le fils ne voit plus son père comme un héro mais comme un homme avec ses forces et ses faiblesses. Preuve avant tout d’un désenchantement de ce monde pour lui et d’une prise de conscience sur un monde qui n’est pas manichéen mais qui est avant tout gris avec divers nuance. Cette prise de conscience lui permettra de grandir et d’accepter son héritage comme en témoigne la fin du film.


En effet, il dit toujours que Michael Sullivan est son père peut importe les bonnes ou mauvaises critiques que son fils peut recevoir. Un inversement de la situation si on le compare au début du film car là ou les personnes ne connaissent que le mythe de l’histoire de Michael Sullivan son fils connait l’homme, ce qui n’était pas le cas en début de film.


Au final malgré son classicisme qui rend le film assez prévisible, cette histoire de vengeance sous fond de relation père-fils et de préservation de l’innocence d’un enfant reste d’excellente facture.

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le 4 août 2016

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