Réalisé en 1946, « Les tueurs » reste l'un des films les plus connus de son auteur, Robert Siodmak. Adaptation d'une nouvelle d'Ernest Hemingway, le film révèle Burt Lancaster au public puisque c'est son premier film et propulse Ava Gardner au rang de femme fatale. Sorti en 1941, soit 5 ans plus tôt, « Citizen Kane » d'Orson Welles fait figure de référence pour R. Siodmak.

La construction du récit est sensiblement la même : une exécution et des flashbacks pour remonter le temps et comprendre le pourquoi de ce meurtre. Les plans, la mise en scène, les dialogues, l'éclairage, les décors, tout prend une allure wellesienne dans ce film. Pourtant, il ne faudrait pas réduire ce film à une pâle copie de « Citizen Kane ». Le film est un de ces films qui savent créer des genres. À ce titre, « Les tueurs » apportent beaucoup au film noir, au film policier, au film de gangsters. Les rues désertes, les ombres menaçantes, l'éclairage si particulier du film noir, le mystère, l'obscurité, les cadrages (cf la première scène où deux hommes dans une voiture sont filmés de dos) : tous les ingrédients sont là et ils ne cesseront d'être repris par tous les films qui se réclameront de ce genre cinématographique.

Il ne faudrait pas non plus considérer Robert Siodmak comme un réalisateur voulant imiter Orson Welles. Les premiers plans du film, notamment celui où défile le générique, sont admirablement construits et sont d'une très grande valeur cinématographique. D'ailleurs, tout le début du film est assez ahurissant et très engageant pour la suite. Cependant, la nouvelle d'Hemingway n'ayant à priori servi que pour ce prologue, la suite du film a été imaginée par le réalisateur lui-même et quelques scénaristes dont Anthony Veiller. On perd peu à peu le mystère et l'étrangeté du début du film pour un récit un peu plus lourd à suivre. Le film devient laborieux et il faut à nouveau attendre la fin et le dénouement pour être à nouveau conquis par le scénario.

Si Burt Lancaster et Ava Gardner campent avec brio leurs rôles respectifs, le premier en tant que victime, Ole Andreson dit « le Suédois », la seconde en tant que Kitty Collins, gangster et traîtresse, les autres ont beaucoup plus de mal. Notamment, Edmond O'Brien dans le rôle du détective de l'assurance, James Reardon. S'il n'est pas mauvais, c'est surtout le personnage qui n'est pas très intéressant, ni bien construit. Ce rajout de ce personnage par rapport à la nouvelle d'Hemingway, pourtant un personnage-clé de l'histoire pour la construction du récit, n'est pas très séduisant. Cependant, son absence aurait engendré un tout autre récit et une autre mécanique pour les flashbacks.

Il n'en reste pas moins un bon film, marquant pour le genre du film noir et porté par un duo d'acteurs épatant. Cependant, la liberté prise avec la nouvelle d'Hemingway complique la compréhension du récit. Un film historique pour le cinéma (par son apport au film noir) mais juste plaisant pour le cinéphile.
potaille
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le 14 avr. 2012

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