Quatre ans après The Wolverine, Hugh Jackman retrouve James Mangold pour un film qui annonce sa dernière apparition dans le rôle du mutant griffu et pour ce baroud d’honneur situé dans le futur et doté de la classification R pour la première fois, le duo ambitionne de donner au personnage son Impitoyable. Notre critique commence par un hommage à la clé de voûte du film et de fait de toute la franchise mutante, Hugh Jackman, qui reprend pour la septième (si on ne compte pas son apparition clin d’œil dans X-Men : First Class) fois le rôle qui le fit star. Le personnage et son interprète sont désormais indissociables dans l’esprit du public tel Christopher Reeves jadis avec Superman et plus récemment Robert Downey Jr avec Iron Man. On a souvent parlé des transformations physiques incroyables que s’imposaient Robert De Niro mais que que dire de ce que fait subir Jackman à son corps pour le conformer aux physiques fantasmés des comics ! Sa ressemblance frappante avec Clint Eastwood est opportune tant l’ombre du grand Clint plane sur le personnage (son visage lui servit de modèle dans les années 70) et c’est tout naturellement que Jackman ambitionne de donner à ce dernier volet l’esprit du crépusculaire Impitoyable.


Le film se déroule dans un avenir où la plupart des mutants ont disparu sans qu’aucun ne soient venus au monde en 25 ans. Logan (Hugh Jackman) n’est plus indestructible, ses plaies ne guérissent plus aussi rapidement et il a cette toux dont le cinéma nous apprend qu’elle ne présage rien de bon, il gagne désormais sa vie comme chauffeur de limousine, noyant sa douleur dans l’alcool et veillant au coté du mutant Caliban (Stephen Merchant) sur un Charles Xavier (Patrick Stewart) nonagénaire secoué d’attaques cérébrales dévastatrices. Reconnu par une femme désespérée implorant son aide pour protéger une fillette traquée par des mercenaires menés par le cyborg Donald Pierce (Boyd Holbrook) l’ancien X-Man va peut-être trouver une raison de vivre … ou de mourir.


La force du genre super-héroïque est sa faculté d’hybridation avec d’autres et à coté de films « chimiquement purs » (comme Man of Steel) on trouve des œuvres qui mêlent l’influence d’autres genres: le thriller paranoïaque seventies pour Captain America Le soldat de l’Hiver, le space-opera pour Guardians of the Galaxy et déja dans The Wolverine, James Mangold reprenait des éléments du film de Yakusa. Il inscrit cet opus dans la tradition du western, genre qu’il a toujours aimé – même son CopLand était une sorte de version contemporaine de High Noon – dont il reprend les codes, citant ici explicitement Shane (L’Homme des vallées perdues en VF un excellent film de George Stevens) film matrice du justicier au passé mystérieux s’opposant au mal, qui a souvent inspiré Clint Eastwood (dans Pale Rider par exemple). Mais Shane est aussi un film qui évoque les conséquences de la violence, même juste, sur l’âme de ceux qui l’infligent. Cette thématique, qu’on retrouve dans Unforgiven est au cœur de Logan, ses co-scénaristes Scott Frank (Hors d’atteinte, Minority report) et Michael Green (Alien covenant, Blade Runner 2049) parviennent grâce au contexte propre à la mythologie du personnage, à donner à ce trauma une matérialisation physique (une des meilleures idées du film que nous ne dévoileront pas ici). Autre réussite à leur actif, ils ont bâti un « après-demain » – le film se déroule en 2029- crédible qui extrapole nos craintes sur l’automatisation du travail, les OGM, la qualité de l’eau (références aux événements qui touche la ville de Flint aux US) et la mainmise des grandes corporations (du biotech en particulier) sur nos vies mais qui s’avère aussi pertinent dans l’histoire et l’univers X-Men.


Après une scène d’assaut galvanisante, intense et sauvage, la meilleure du film, qui nous révèle la vraie nature de Laura, Logan prend la forme d’un road-movie où Logan et Charles l’accompagnent vers un sanctuaire pour mutants nommé « Eden ». Un endroit que Logan pense issu des bandes-dessinées que lui lisait sa tutrice (dans l’univers du film les aventures des X-men ont été « romancées » sous la forme de comics). Le film s’appuie sur la dynamique familiale dysfonctionnelle du trio. En faisant de X-23 une réfugiée mexicaine, que Logan tente de protéger des « bad-guys » américains et qui doit fuir à travers la frontière canadienne, Mangold livre une métaphore politique habile mais un peu trop naïve. (La simple traversée de la frontière canadienne les sauvera t’elle d’assassins paramilitaires impitoyables?). Le nom Jackman est devenu synonyme de Wolverine si bien qu’il est facile de minimiser sa performance dans ce personnage, il livre pourtant ici son interprétation la plus impliquée du rôle. Conservant sa nature bourrue et narquoise mais l’imprégnant d’un puissant sentiment de vulnérabilité, portant sur ses épaules le poids de tous les deuils qui l’ont frappés et le remord du sang qu’il a versé. A ses cotés on retrouve un Patrick Stewart exceptionnel en professeur Xavier grabataire, balançant des « f-bomb » à tire larigot, habité lui-aussi par le remords depuis que sa maladie a fait de son cerveau une arme de destruction massive mais toujours animé par la même volonté de guider les jeunes mutants. On sent un respect et une affection authentique à l’écran – pas seulement entre les deux personnages, mais entre les comédiens eux-même – qui remplit l’écran et enrichit le propos.


La jeune Dafne Keen est une vraie découverte, elle parvient à être expressive sans prononcer un mot de dialogue face à des comédiens de la trempe de Jackman ou Stewart d’un simple coup d’œil. Sa relation avec Logan est poignante tout comme son lien silencieux avec le professeur X. Elle est aussi incroyable à voir en action, sa petite taille crée un contraste avec Wolverine et les hommes beaucoup plus grands qu’elle affronte accentuant sa férocité. Du coté des traqueurs, Boyd Holbrook vu dans Narcos et bientôt vedette du Predator de Shane Black incarne un mercenaire du nom de Donald Pierce qui partage, en dehors d’une main cybernétique, que peu de point commun avec son alter-ego de papier. Sa malveillance décontractée de cow-boy fait de lui un parfait adversaire pour Wolverine. Son chef, le Dr. Zander Rice, « créateur » de X-23 est plus fidèle aux comics, Richard E.Grant lui conférant la folie et le sadisme des meilleurs savants fous. L’ensemble du casting est d’ailleurs excellent avec une mention spéciale à Stephen Merchant dans le rôle du mutant albino Caliban. Pour la première fois Logan est classé « R » aux USA (grâce au triomphe de Deadpool) et offre enfin aux fans du personnages ce dont ils ont rêvé depuis des années: Voir Wolverine utiliser à l’écran ses griffes de façon létale. Vœu exaucé dès les premières minutes du film qui voient d’infortunés ganbangers tenter de voler les enjoliveurs de sa limousine et en payer le prix fort : le sang gicle non seulement de la poitrine de Wolverine, transpercée par les balles, mais aussi des membres que ses griffes découpent et des crânes qu’elles transpercent. Le film prend son temps pour développer les relations entre les personnages et les rencontres qu’ils font sur leur chemin mais la classification R permet aussi de faire de Logan un film sombre, où aucun des personnages n’est à l’abri d’une fin graphique augmentant les enjeux. Malgré tout le film s’essouffle au moment ou Logan et Laura arrivent enfin à leur destination. Le film semble presque s’arrêter (et Mangold s’inspirer de Mad Max 3) avant une confrontation finale. Sans doute car ses créateurs ont tenté d’éviter la fin typique des films de super-héros, ce dernier acte constitue la partie la plus faible du film, même si il apporte une conclusion satisfaisante quoiqu’un peu trop attendue aux aventures du mutant griffu. Conclusion : Neo-western crépusculaire et violent, Logan offre une émouvante sortie à Hugh Jackman dans son rôle signature malgré un dernier acte plus convenu.

PatriceSteibel
8
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le 25 févr. 2017

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PatriceSteibel

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