Fondée sur une logique feuilletonesque, promettant à chaque fois des suites soit disant bien meilleures, l'écurie Marvel a rapidement trouvé sa limite dans série de longs-métrages « clones », épuisant la licence jusqu'à l’écœurement. Des œuvres redondantes ripolinant à outrance les bases, pourtant solides, conçues au début des années 2000 par Sam Raimi (Spider-Man) et Bryan Singer, réalisateur récurrent dans la saga X-Men qui, avec ce Logan, en arrive déjà à son dixième épisode. Un énième opus qui, à l'instar de l’irrévérencieux Deadpool l'an dernier, apporte toutefois un passionnant renouveau au paysage si formaté du blockbuster super-héroïque.


En effet, Marvel n'a jamais été aussi âpre et crépusculaire. Hormis l'ultra-violence quasi-problématique de certaines séquences (préparez-vous à un massacre familial particulièrement dérangeant), ce qui frappe d'emblée, c'est ce Hugh Jackman d'outre-tombe, que l'on avait rarement filmé de telle sorte. Vulnérable, vieillissant, souffrant, comme lorsqu'il nettoie douloureusement ses lames tachées de sang, l'ex-Wolverine est au bout de vie, littéralement. Tout comme Patrick « Charles Xavier » Stewart, devenu sénile et bourru, qui se laisse crever en plein désert. Là est d'ailleurs toute l'inventivité de la direction artistique qui, s'associant à la décrépitude des héros, vient puiser son inspiration dans l'imaginaire du western post-apocalyptique (on pense un peu à Mad Max et à The Rover).


Cette aridité passe également par une économie de plans et de récits, jusqu'alors inespérée dans ce genre de film. Le calme de la mise en scène et du découpage s'accorde ainsi à la modestie louable du scénario qui, se suffisant à lui-même en tant que long-métrage, tranche efficacement avec l'incompréhensible méli-mélo narratif de la saga X-Men et du MCU en général. Ici, comme nous le laissait suggérer l'état assez calamiteux des personnages, l'action prend place dans un futur dystopique des plus pesants, que l'on peut appréhender comme une sorte de flashforward annonçant le pire pour les mutants des précédents épisodes.


Modeste donc, puisqu'une trame scénaristique habilement épurée, fonctionnant sur un principe de poursuivants et de poursuivis à la Midnight Special, laisse la part belle à une poignée de scènes intimistes, parfois touchantes malgré quelques lourdeurs (notamment vers la fin). Gros bémol à relever néanmoins concernant le traitement des méchants (on commence à avoir l'habitude) : Boyd Holbrook n'est pas crédible un seul instant en « salaud sexy » à la Calvin Candie, le personnage de Richard E. Grant (juste là pour dévoiler son plan machiavélique) est totalement anecdotique, quant au sosie grognon de Hugh Jackman... Cela se passe de commentaire. Mais bon, on ne peut pas tout avoir.


Il n'empêche que Logan laisse sans voix par sa radicalité. Sa sobriété, sa noirceur remuante et sa brutalité enragée en font un instant « classic » qui réactive un genre devenu complètement atone, renouant ainsi avec le frisson et la profondeur des débuts.


http://amaurycine.blogspot.com/2017/03/logan.html

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le 10 mars 2017

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Amaury F.

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