Loot
Loot

Film de Nischal Basnet (2012)

Loot, premier long métrage du jeune réalisateur Nischal Basnet, est souvent cité comme l'un des films les plus "révolutionnaires" du cinéma népalais moderne. Sorti en 2012, alors que l'industrie locale était en grosse perte de vitesse face aux productions indiennes ou américaines, il a su reconquérir le cœur des Népalais et s'imposer comme un gros succès commercial. Mais est-ce pour autant un chef-d'oeuvre ?


Loot, c'est l'histoire de cinq mecs qui ont du mal à s'en sortir au jour le jour et qui vont tenter de prendre l'ascenseur social express en planifiant un braquage de banque : Haku (Saugat Malla), un cuistot à l'origine du plan; Denen (Prateek raj Neupane), un vendeur de drogue lassé de prendre autant de risque; Nare (Karma Shakya), un joueur de carte endetté; Jagat (Sushil Raj Pandey), un amoureux transit trop pauvre pour payer la dote de sa promise et Gofle (Dayahang Rai), le comic-relief de service.



Ville de Katmandou !

Aussi séduisante qu'une amante !

Ville de vautours !

Utilisez votre cerveau et l'argent va pleuvoir du ciel.

Ville de Katmandou !

Aussi séduisante qu'une amante !

Vous n’aurez rien si vous priez pour elle ...

Arrachez-la et elle sera tout à vous.



Le film débute quelques mois avant le casse avec le groupe au complet réuni sur le toit d'un immeuble autour du plan de la banque. Via une succession de flashbacks, nous sommes amenés à découvrir les différents personnages et à suivre l'entrecroisement de leur trajectoire individuelle jusqu'au jour J.



Une révolution ?



Si le scénario a souvent été salué pour son originalité, c'est en raison du manque de prise global de l'industrie. La plupart des productions népalaises sont en réalité des copycats de succès indiens ou sud-coréens; allant jusqu'à reprendre des scènes et des dialogues. Mais on ne va pas se mentir, l'intrigue reste assez classique pour un film de braquage. Les ficelles scénaristiques font difficilement illusion et tout reste assez prévisible et, pire, parfois répétitif.


Loot, c'est avant tout un film d'amitiés et de trahisons qui met les relations des personnages au coeur du récit. Au travers de Loot, Nischal Basnet a tenté de dresser un portrait réaliste de la jeunesse katmandaise. Les dialogues du film reflètent ce qu'on pourrait entendre dans les rues de la ville : de l'argot, des jurons fleuris, des conversations taboues... Du jamais vu dans un film népalais. Plus qu'une simple posture faussement-subversive, cela apporte du relief dans l'écriture des personnages.


Le film comporte son lot d'actions, souvent brouillonnes, parfois surprenantes. Je pense notamment à une scène de combat se déroulant dans un abattoir durant laquelle ils se balancent des tripes entre deux mandales et utilisent un crâne de bœuf ensanglanté comme d'une massue. Du gros n'importe quoi, mais ça fonctionne plutôt bien.


Le ton de Loot est d'ailleurs assez léger et envoûtant. Si on peut compter sur quelques tentatives pour apporter du sérieux au récit, l'humour et les dialogues cinglants font très vite descendre le soufflet. Mention spéciale pour Dayahang Rai qui apporte beaucoup de fraîcheur au film avec sa bonhomie naturelle.


Le film garde une certaine influence bollywodienne notamment au travers d'une petite histoire d'amour édulcorée et via ses multiples chansons. L'une d'entre elles, Udhreko Choli, a d'ailleurs contribué au succès marketing du film . Très suggestive dans ses paroles, elle met en scène Sushma Karki, une actrice très populaire au Népal.



Un laboratoire technique



Loot souffre d'une technique très inégale. Nischal Basnet est capable du meilleur comme du pire. Il peut claquer un plan séquence livrant une vue magnifique sur la ville de Katmandou puis enchaîner sur un plan douteux doté d'un fond vert mal incrusté. Multiplier des angles de vue originaux apportant du sens au propos puis faire joujou pour la 42e fois avec la grue qu'il a placée sur le toit d'un immeuble désaffecté. Placer sa caméra au plus près des personnages lors d'une course poursuite puis provoquer une crise d'épilepsie avec un montage hachuré et saccadé.


C'est dommage parce qu'il y tout de même du potentiel et le début d'une certaine patte. On ressent l'énergie débordante que Basnet a voulu insuffler au film, mais Loot aurait définitivement mérité un montage plus maîtrisé et moins putassier.



Une météorite sur l'industrie népalaise



Le succès de Loot a contribué à un début de changement de mentalité au Népal.


Les jeunes spectateurs, lassés par les productions locales qui s'enchainent et se ressemblent, ont pu découvrir avec enthousiasme que leur pays était également capable de livrer des films plus originaux.


Les producteurs ont commencé à prendre conscience qu'il était possible de rentabiliser des films qui s'écartent du cahier des charges habituel et qui ne reposent pas uniquement sur un casting 5 étoiles; ouvrant ainsi la porte pour tout une nouvelle génération de talents.


Propulsé sur le devant de la scène Nischal Basnet a profité de son succès pour monter sa propre boîte de production, Black Horse Pictures.


En définitive, Loot constitue un film d'action qui souffre de multiples défauts, mais qui m'a tout de même bien diverti.




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GigaHeartz
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le 11 mai 2016

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