Quand on lui demande ce qui l’a amené à réaliser Lou et l’île aux sirènes, Masaaki Yuasa répond qu’il l’a fait en réaction aux commentaires de spectateurs ayant aimé ses œuvres mais se justifiant presque de les avoir appréciées, ayant du mal à les recommander du fait de leur excentricité. En résulte donc ce troisième long-métrage, son tout premier voulu « familial ».


Bon, inutile de vous dire qu’entre « familial » et « familial selon­ Yuasa », il y a comme un monde que l’on aimerait visiter plus souvent. Le terme est ici utilisé dans son sens le plus noble, loin de la prévisibilité et de l’insignifiance d’un Animal Crackers par exemple, lui aussi présenté en compétition à Annecy.
Yuasa investit un village côtier dont le tranquille quotidien va être bouleversé par l’apparition d’une figure mythologique, une sirène donc, laquelle va au passage aider un adolescent à se construire. Comme dans son incroyable Mind Game, le cinéaste exprime toujours cette volonté d’ouvrir son héros au monde et fait donc de même à travers un long-métrage destiné à un public familial et, une première chez lui, au scénario original. Un postulat évoquant Un été avec Coo, le réalisateur et sa scénariste Reiko Yoshida convoquant même par par ailleurs quelques aspects du Kaikisen de Satoshi Kon ou du Ponyo de Miyazaki. Des comparaisons dont le cinéaste s’émancipe sans sourciller, tant il parvient une nouvelle fois à transcender son scénario par la virtuosité de sa mise en scène. Certes moins fou que des chefs-d’œuvre comme Mind Game ou Kaiba, Lou et l’île aux sirènes n’en livre pas moins quelques baffes dans la tronche bien senties.


Contrairement à ce que l’on aurait pu penser au vu des travaux préparatoires, l’animation flash sied parfaitement à l’univers du film et Yuasa ne se prive pas pour en exploiter les spécificités. Les séquences aquatiques sont magnifiques et s’opposent clairement à la mise en scène du monde terrestre par les perspectives et autres déformations improbables chères au réalisateur de Ping Pong. La fluidité qui lui est offerte se montre également bienvenue dans les quelques séquences musicales, notamment dans ce qui reste l’une des scènes les plus jouissives du film et que je vous intime vraiment à découvrir en salles. Le long-métrage est un régal pour les yeux et si l’on peut comprendre que l’on puisse être allergique à la J-Pop ou à une deuxième moitié plus classique dans ses enjeux, Lou et l’île aux sirènes régalera tout amateur de Cinéma qui se respecte.


Et dieu sait que l’on pourrait parler encore longtemps de la belle évolution de son protagoniste, renfermé mais qui finira par chanter, d’un personnage de requin que l’on imaginait être l’antagoniste quand il est au final une relecture maligne et hilarante des squales du Monde de Némo, de la structure du film calée sur les paroles de la chanson-titre ou d’autres séquences à la symbolique fondamentale.


Bref, régulièrement surprenant, très souvent drôle et touchant, génial dans ses ruptures de ton et d’une maîtrise absolue en terme de réal, Lou et l’île aux sirènes n’a pas volé son cristal du long-métrage au dernier Festival d'Annecy.

GuillaumeLasvigne1
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le 15 août 2017

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