Réussite d'une jolie bluette adolescente

(article précédemment publié sur Les Chroniques de Cliffhanger & Co)


Le teen-movie est un genre très codifié, usé jusqu’à la corde durant les années 2000, notamment avec la saga des American Pie et d’autres films très oubliables. Mais c’est dans ses explorations plus sensibles (Adventureland) ou outrancières (Superbad) que se cachent les véritables pépites. Genre peu à peu mis de côté par l’industrie en même temps que les salles sont désertées par les spectateurs et que le nombre de productions explose, il est donc de plus en plus courant d’assister à une migration du genre vers les plateformes de streaming, avec par exemple The Kissing Booth sorti en mai sur Netflix. Mais ici, c’est bien Love, Simon qui nous intéresse, dans un pli bien plus sensible et à fleur de peau, et qui a le droit à une sortie en salles. Si la construction reste classique, c’est bien le sujet de ce film qui le démarque. En effet, le héros, Simon, nous annonce dès les premières minutes qu’il a un énorme secret : il est gay.


Ses amis, sa famille, son lycée, personne ne le sait. L’objet de ce film sera donc un rite de passage, là encore symptomatique du teen-movie, mais bien moins équitable que pour les hétéros : le coming-out. Comme il nous le fait bien remarquer, pourquoi la norme devrait-elle être l’hétérosexualité? Dans une scène très juste (et drôle), on assiste même au coming-out rêvé de ses ami.e.s hétéros auprès de leurs parents. Le film ne brille pas par son inventivité, mais a assez de mérite pour appliquer les codes du teen-movie sensible à un sujet profondément actuel et plus ou moins inédit. Comme souvent, le casting de ce genre de production calibrée joue pour beaucoup dans la qualité du produit fini : Nick Robinson (vu dans Jurassic World et dans un chef-d’œuvre teen The Kings of Summer), Katherine Langford (13 Reasons Why), Alexandra Shipp (X-Men Apocalypse et Dude, un super teen-movie féminin sur Netflix), ainsi que Jennifer Garner (Alias, Juno) et Josh Duhamel (Transformers, Las Vegas), tous sont tops.


Mais le rôle le plus drôle et original revient probablement à Tony Hale (Veep, Arrested Development), qui interprète ici un proviseur complètement investi et décalé, à la fois pote et pilier de tous ses élèves, Simon en tête. Réalisé par Greg Berlanti, créateur des aventures super-héroïques DC à la télé (Arrow, Supergirl et consorts), le film n’a pas grand chose à voir avec ses travaux cathodiques, et rempli poliment son contrat sur l’aspect narratif, mais c’est bien tonalement qu’il assure. En effet, si la mise en scène est somme toute assez classique, on ne boude pas notre plaisir à suivre tous ces personnages bien incarnés par un casting bien dosé, et ce même si l’écriture et les péripéties sont un poil prévisibles. Alors c’est sûr que l’on est à mille lieues de l’autre coming-of-age gay de l’année – l’Oscarisé Call Me by your Name, et dans le traitement et dans l’écriture, mais le propos, la portée et le genre ne sont bien évidemment pas les mêmes. Mais in fine, Love, Simon est un film teen assez plaisant, qui se veut universel, grand public, sensible et juste, jamais larmoyant, adapté d’un livre de Becky Albertalli. Et si le film, comme il l’a déjà fait outre-Atlantique, peut aider des jeunes gens à s’accepter et ne plus avoir honte de dire ce qui ne devrait plus être une différence, ça sera déjà beaucoup.

JobanThe1st
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le 3 juil. 2019

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Jofrey La Rosa

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