Voulant se démarquer des allégories expressionnistes qui avaient fait sa gloire au temps du muet, Fritz Lang, préoccupé par les crises que traversait l’Allemagne à l’aube des années 30, choisit pour son premier film parlant de traiter un cas clinique en le greffant sur une analyse d'une extreme rigueur d’un pays déstructuré, fruit mûr pour la dictature.M est une dénonciation sans équivoque des structures sociales- officielles ou souterraines, qui n’ont d’autre objet que de détruire l’individu, de chercher des victimes expiatoires, alors que le mal est en chacun de nous.Vigoureuse revendication pour inviolabilité de la liberté humaine, si monstrueux qu’en soit le dépositaire, M est aussi un magistral exercice de style, modèle certain de mise en scène, considérée comme une mise en équation de tous les éléments constitutifs du film. Le moindre détail est chargé de sens, les plans s’imbriquent selon un ordre infaillible, comme les lignes de force d’un champ magnétique.Le meurtre de la fillette, l’enquête policière, la traque du coupable, ses aveux pitoyables, tout est scruté, disséqué comme au scalpel, mettant symboliquement en évidence le poids du destin qui accable l’individu, destin incarné par la pieuvre sociale dans toute son arrogance. 80 années plus tard, malgré la puissance incontestable de la mise en scène, on pourra cependant parfois trouver ce symbolisme un peu trop appuyé, mal émancipé de la force expressive du cinéma muet, lesté d'une interprétation à la roublardise un peu survendue (mis à part le génial Peter Lorre), aux naïvetés scénaristiques un peu trop évidentes eu égard au standards contemporains, aux partis pris artistiques quelquefois factices en regard de l’effet recherché ( pour son bonheur l’idée les scènes muettes entrecoupées de scènes sonores ne seront ainsi pas repris dans le cinéma de l’époque).