Bonne idée que de nous convier à la projection d'un film dont nous ne connaissons ni le réalisateur, ni le film et son sujet. A propos du réalisateur, Nicolas Boukhrief, je lui ai demandé pourquoi son nom ne figurait pas dès le générique et son argumentation tient la route - grosso modo, "si on lit Kassovitz par exemple, le spectateur va cogiter pendant un moment au dépens du film" - et permet de se concentrer sur l'essentiel. D'autant qu'avec cinéxpérience, ce raisonnement est franchement probant.
Le film plante donc le décor assez rapidement et installe un climat assez anxiogène. Il est important de rappeler qu'il a été pensé et réalisé bien avant les événements de Charlie Hebdo. Le film fait donc parfaitement écho à une réalité sans que celle-ci l'ai influencé. Ce qui ne l'empêche pas de s'être documenté au possible.
Il y a pourtant une nuance de taille, attention spoil :
l'instigateur de cette action terroriste n'est qu'un psychopathe totalement mythomane quand à l'existence d'un réseau supérieur pour lequel il obéirait.
Le pitch est simple : un journaliste décide de gagner la confiance d'un petit groupe d'amis qui fréquente une mosquée salafiste afin de mettre en évidence les méthodes de ces imams autoproclamés et l'influence néfaste qu'ils peuvent avoir sur des jeunes relativement déboussolés.
De là a en faire des victimes, c'est un pas que je ne voudrais pas franchir. Dès lors qu'on se radicalise et que l'on est prêt à tuer, l'excuse de l'âge, l'absence du père ou du milieu social n'est plus recevable même si c'est un terreau favorable. Ce qui intéresse Boukhrief est de montrer leur incapacité à agir autrement qu'en pieds nickelés et les divisions internes et l'amateurisme naïf qui gangrène peu à peu leur entreprise pathétique d'un jihadisme qui n'en a que le nom.
Le choix de la fin surprend beaucoup de monde comme si Boukhrief passait à côté de son sujet mais ce serait lui faire un faux procès ; sa démarche ne consiste pas à reconstituer les tristes événements de Charlie Hebdo et de l'Hyper Cacher, mais d'envisager un scénario plausible, du pur "Made in France" tout en s'accordant le droit légitime de réaliser une fiction.
Autre reproche qui lui ai fait, le choix de laisser vivre Sam, l'infiltré (j'ai pensé à Serpico et je crois qu'il a apprécié la référence) d'une façon qui rappelle le western. Je ne crois pas que le faire mourir aurait apporté une satisfaction à qui que ce soit. D'ailleurs, à propos de la façon dont il survit, Boukhrief s'en explique en évoquant un fait divers analogue, seule la religion diffère (chrétienne).
Au final, ce film - loin d'être parfait - est très captivant, les acteurs sont tous convaincants et le choix d'injecter de l'humour par moment dans cette cellule contagieuse autodestructrice est bienvenue (pour relâcher la pression) même si la gravité de la situation n'encourage pas forcément à se marrer.
Film maudit par l'actualité et véritable poisse pour son réalisateur, le film n'aura pas de sortie en salle et ne sera visible qu'en VOD.