"Look at the pictures", c'est par ces mots que le film commence, phrase impérative née en 1989 de la bouche haineuse d'un obscur sénateur républicain à l'encontre de photos jugées obscènes, indignes de l'art et du bon goût, phrase qui sonne comme une imprécation et que les documentaristes Fenton Bailey et Randy Barbato reprennent à leur compte pour lui redonner sens.


Il faut en effet regarder les photographies de Robert Mapplethorpe. Ce fut possible lors de la rétrospective organisée au Grand Palais en 2014, occasion de voir et de comprendre que photographier un sexe ou une fleur, c'est la même chose. C'est le cas désormais sur grand écran avec ce film qui montre sans fard et rend compte de Mapplethorpe tel qu'il était.


Ayant eu accès à de nombreuses archives inédites, mettant en avant les témoignages de compagnons de route du photographe, des hommes de sa vie, de son jeune frère Edward, artiste lui aussi, les réalisateurs proposent le premier long-métrage documentaire sur l'un des plus grands artistes de la fin du XXe siècle.


On apprend ainsi que celui qui allait contribuer à ce que la photographie soit considérée comme un art à part entière s'en était d'abord écarté. C'est alors qu'il avait besoin de photos pour réaliser des collages qu'il s'est mis à faire des polaroids. Tout est parti de là, presque par hasard.


Mapplethorpe : look at the pictures nous rappelle qu'un artiste est un tout, pas un homme d'un côté, un créateur de l'autre, mais un être dont la vie ne fait pas de frontières. Mapplethorpe poussait l'équation encore plus loin, non seulement parce qu'il a réalisé beaucoup d'autoportraits mais surtout parce qu'il a fait du sexe et de sa vie sexuelle le cœur même de son œuvre.


Au-delà de cette œuvre immense, tous les intervenants se rejoignent sur un point : Mapplethorpe était ambitieux. Il voulait être reconnu, il voulait être célèbre. C'est la conjugaison de la vision artistique, du travail acharné et de l'ambition qui font la réussite d'un artiste. Mort du sida en 1989 à 42 ans, Mapplethorpe aura connu le succès avant de partir, un succès mêlé de scandale, à l'image de sa vie, de l'intelligence avec laquelle il combinait provocation et exigence plastique.


Il faut revoir ses photos, les observer encore, en admirer les contrastes, la composition, regarder un sexe comme on regarde une fleur. Très classique dans la forme, peut-être trop scolaire, le film de Fenton Bailey et Randy Barbato a tout de même le mérite de replacer le parcours et l'œuvre de Mapplethorpe dans son contexte en évitant l'hagiographie. Ainsi, charismatique et charmeur, profondément sincère, égoïste et acharné, l'artiste nous est montré tel qu'il est.

pierreAfeu
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le 19 déc. 2016

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