"Fais ce que tu veux faire !" Hurle ce type, un inconnu monté sur scène à l'adresse de la foule.
Dans la lande surpeuplée mais bien plus loin encore, dans la fourmilière entière et à travers le temps, jusqu'à nous, le cri résonne...
Si tout le Monde est unique alors personne ne l'est ! Si plus personne ne veut rester une simple cheville ouvrière, apporter son concours pour que la société bon gré mal gré arrive à fonctionner, si les gens veulent juste se mettre à chanter, faire du théâtre ou de la poésie que va-t-il se passer ?
Pourtant tout commence bien pour les organisateurs puisque le mercredi 26 août 1970 soixante-dix mille spectateurs munis de billets se pointent sur le site de l'île de Wight afin de vivre le plus grand festival Rock, devant Woodstock, de tous les temps !
- No Fence (pas de clôture) !
Mais très vite tout se dégrade et les maigres barrières de tôles seront défoncées, normal la défonce, par des hordes de hippies ou de Beatniks (faut voir) sous le regard ennuyé et impuissant des vigiles conspués accompagnés de leurs chiens méchants mais inutiles. Le public passe très vite à 200 000 personnes et cela finira à plus de 600 000 alors qu'on en estime 450 000 à Woodstock.
WORLD RECOOOOORRRRRRD !!!
A peine 10% du public a payé sa place alors Rikki Far l'un des principaux organisateurs pète les plombs :
"Il y a des gens bien ici et vous faites insulte à leur intelligence ! Si vous venez dans ce pays à notre invitation, qu'on doit vous demander trois livres parce qu'on ne peut pas faire autrement et que vous ne voulez pas payer, allez vous faire foutre !”
Cet évènement majeur de la culture, psychédélique sous drogues diverses, ROcK devenu une banqueroute pour les organisateurs laissera des traces.
Véritable cauchemar que cette marée humaine vautrée dans les poubelles qui mets le feu à ses ordures, ses propres excréments. La lande et les environs qualifiés de Desolation Hill ( https://www.youtube.com/watch?v=hUvcWXTIjcU ) seront laissés le dimanche suivant à l'état d'un dépotoir puant informe. Balayé ou plutôt souillé pendant 5 jours par une masse grouillante ce site sauvage est méconnaissable.
Et la musique me direz-vous ? Nous sommes venus pour écouter de la musique. Une programmation fantastique (sans Dylan encore une fois qui avait déjà refusé Woodstock) pour une série de concerts dans les poubelles somme toute mémorable.
Mais tous ne sont pas ravis. Isle of Wight brûle au sens propre : Huées, jets de projectiles (bouteilles, détritus jetés par le public), scène en flammes. Mungo Jerry refusera de monter sur scène, Kris Kristofferson se barrera pour cause de huées en laissant ses musiciens finir seuls, The Doors jouera quasi dans le noir car ils ont oublié leurs lumières. L'organisation leur allouera un gros spot rouge pour leur dernier grand concert filmé dans une ambiance sépulcrale. Il reste un an à vivre au grand Jim. Joni Mitchell interrompu en plein set par un énergumène barbu essaiera presque en larmes de calmer ce public revendicateur.
En revanche le Who signera l'un de ses meilleurs Gig, idem Jimi Hendrix qui délivre un set formidable avant de mourir quelques semaines plus tard étouffé dans son vomi. Que dire de la prestation extatique de Emerson Lake et Palmer ou de l'accalmie solaire en pleine nuit d'un Leonard Cohen habité et confiant...
Laissons Nikki Farr conclure :
"Je vois qu'on va vivre un sacré festival ! Vous avez pris votre pied, pas vrai ? Vous savez, je crois que je vais descendre parmi vous, parce qu'à l'évidence, c'est là qu'il faut être.”
Vous n'y étiez pas, tant pis il y aura bien d'autres évènements ou alors tout simplement aurez-vous envie d'aller voir ce site historique pour vous imprégner, d'air frais, de nature, de mer et surtout fuir la foule hurlante.
This is the End chante Jim oui the End, la fin d'une époque, un tournant !