Présenté au Festival de Cannes en 1978 et couronné par un immense succès à sa sortie en salles, "Midnight Express" reste un des films les plus emblématiques du britannique Alan Parker, scénarisé par un Oliver Stone alors peu connu, s'inspirant librement du livre autobiographique de William Hayes.

Sujet à controverse en ce qui concerne ses libertés prises avec les faits réels (la fin du film est effectivement peu crédible) et surtout, envers la virulence d'un Stone accusé de racisme primaire (le metteur en scène de "Platoon" fera lui-même des excuses publiques à la Turquie en 2004), "Midnight Express" est un film à resituer dans le contexte de l'époque, afin de l'apprécier (ou pas) à sa juste valeur.

Si Oliver Stone et Alan Parker conduisent leur récit avec la subtilité d'une Nadine Morano après trois verres de rouge, les partis pris controversés du film s'expliquent par le point de vue forcément amer d'un homme transformé en jouet politique, que l'on privera abusivement de liberté et qui en viendra à vouer une haine viscérale envers la nation qui l'a condamné.

Dans un rôle d'abord antipathique (le gars est quand même sacrément stupide) puis franchement touchant au point de craindre véritablement pour son sort, le regretté Brad Davis est tout simplement saisissant, émouvant et fragile, bien aidé par ses partenaires John Hurt, Randy Quaid ou encore Paul Smith, détestable du début à la fin en gardien sadique.

Profondément ancré dans le contexte géopolitique d'une époque où la Turquie subissait plusieurs attentats, et était prête à tout pour montrer qu'elle luttait avec acharnement contre le trafique de drogue, "Midnight Express" est la critique acerbe et violente d'une société régie par des élites corrompues, un regard sans concession sur une justice aléatoire et sur des conditions d'emprisonnement tout à fait scandaleuses, qui conduira d'ailleurs à des négociations entre la Turquie et les USA sur l'échanges de prisonniers.

Mais c'est également un hymne bouleversant à la liberté sous toutes ses formes, passant d'un suspense implacable à une horreur presque surnaturelle (la section psychiatrique filmée comme des limbes dont on serait à jamais prisonnier), en passant par une puissante émotion, notamment dans les rapports déchirant entre Hayes et son père, incarné avec force par Mike Kellin.

Porté par la mise en scène à la fois sèche et stylisée d'Alan Parker, par un casting impeccable et par la bande son culte de Giorgio Moroder, "Midnight Express" est un film à prendre avec des pincettes mais n'en demeure pas moins une réussite incontestable qui prend aux tripes.

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le 19 nov. 2014

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Gand-Alf

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