Alan Parker, définitivement orienté vers un public plutôt jeune, rebelle et plutôt simple d'esprit, réunit une excellente équipe (musicien, photographe, acteurs) autour d'un scénario de qualité, quoique dramatiquement trop baroque et foncièrement hollywoodien.


On connaît l'attachement de Parker à la BO de ses films (Fame, Pink Floyd pour ne citer qu'eux) et il faut avouer que, pour un film qui a déjà quelques années, il parvient à nous surprendre grâce à la modernité électronique des synthés de Giorgio Moroder (signant quelques années plus tard la non moins enlevée BO de Scarface) qui se fondent parfaitement aux courses poursuites dans le souk ou aux plongées intérieures d'une âme désolée. C'est, sans conteste, l'une de ses meilleures réussites que celle d'avoir finalement opté pour cet artiste; de même, le casting, surprenant par son absence de stars confirmées, révèle au public, pour figurer William Hayes, un excellent Brad Davis (au détriment de Richard Gere d'abord pressenti) qui touche grâce à l'amplitude de son jeu, entre rage et désespoir, résignation et désir d'évasion. Enfin, le photographe Michael Seresin, qui accompagnera (presque) toujours Parker, nous offre d'excellentes images de clair-obscur grâce à l'élégant mariage d'une lumière méditerranéenne (le film fut tourné à Malte principalement) et de la pénombre carcellaire, mais aussi en jouant avec les vapeurs, fumées et poussière d'un microcosme moite et suffocant situé hors du temps et de l'espace et finalement en posant une touche artistique sur les visages las, battus et exsangues des personnages emprisonnés.


Film avant tout d'entertainement, Midnight Express jouit d'une bonne densité narrative, grâce à un rythme trouvé voguant entre espoir et pessimisme, entre possibilité d'une issue et justice implacable, avec des personnages secondaires intéressants quoique un peu "clichés". Cependant, le manichéisme de ceux-ci sied aux attentes d'un public réconforté par cette simplicité stéréotypée du film américain (de type blockbuster) où, par un retournement de situation moral, le criminel devient victime et la Justice bourreau. Un drôle de renversement, surtout que ça ne marche que dans un sens, la frontière entre le bien et le mal devenant vite infranchissable (grosso modo, deux camps, qui ne bougeront plus: des américains sacrément cools et des autochtones satanés barbares suintant le vice). Par ailleurs, la violence hyperbolique (plus atténuée dans le livre) de la langue arrachée ou de la mort du salaud de geôlier (peu vraisemblable mais passons...) soulignent la surcharge dramatique, signée Oliver Stone principalement, de cette réécriture de l'autobiographie de William Hayes. Tout cela peut en gêner certains, mais pas tout le monde visiblement au vu des notes attribuées, surtout pas ceux qui ont gardé cette tendance adolescente à réprouver la figure de l'autorité (ici représentée par ce geôlier) campée comme souvent chez Parker par un "méchant" sans cœur, dont la psychologie est dépourvue de toute nuance (trop difficile à comprendre sinon), c'est-à-dire absolument injuste et à tuer si l'on veut se libérer. La (presque) solitude du personnage incompris, rebelle et seul dans sa lutte (sa marche à contre-courant dans l'une des scènes finales en est l'exemple) va d'ailleurs dans ce sens.


Bref, un bon divertissement, où l'on ne s'ennuie guère, à consommer avec du pop corn, un soda et d'autres substances super cool pour bien se remplir le ventre et se vider la tête.

Marlon_B
6
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le 22 sept. 2017

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Marlon_B

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