1996. Tom Cruise, alors âgé de 34 ans, se lance dans la production. Pour l’occasion, il crée sa propre franchise et y tient, bien sûr, le rôle central. Courageux mais pas téméraire, il reprend un thème et une idée encrés depuis une éternité dans l’imaginaire collectif, avec le profond désir de les faire siens. C’est son projet, son bébé, son pari. C’est lui le patron. Il est plutôt surprenant qu’il ait demandé à Brian De Palma, "le" Brian De Palma, de le diriger. Il peut s’avérer risqué de solliciter un cinéaste aussi inventif, passionné, et minutieux pour réaliser un film qui se doit d’être calibré pour plaire au plus grand nombre.

Mais il semble que De Palma n’ait pas voulu faire le difficile. Il a mis en scène un scénario très simple rendu incompréhensible par des tonnes de dialogues (comme c’est très souvent le cas dans les films d’espionnage américains), et filmé Tom Cruise à peu près tout le temps. C'est ainsi que pourrait se résumer "Mission : Impossible" premier du nom. La très discrète présence de De Palma, et l’omniprésence de Tom Cruise.

Si l’on ne devait conserver qu’une seule scène, ce serait celle de la chambre forte. C’est la seule qui prouve la présence du cinéaste, la seule qu’il signe réellement. De Palma sait arrêter le temps. Il fait léviter le spectateur, monopolise son attention, l’hypnotise presque. La scène de "Blow out ", où la caméra fait plusieurs tours sur elle-même, montrant John Travolta par intermittence, la scène de "Mission to Mars", où les astronautes tentent de rattraper un câble, la scène de la douche de "Phantom of the Paradise" (la même que dans "Psychose", on connaît l’obsession de De Palma pour Hitchkock), un savoir-faire éblouissant qui fait comprendre le sens du mot "suspense" au cinéma. La scène de la chambre forte est la seule qui porte son emprunte. La sensation de néant est omniprésente. La pureté du blanc des murs et du sol, le silence absolu et la peur de voir la mission échouer.

Pour le reste, pas grand-chose à signaler. Sauf peut-être Tom Cruise lui-même. Il est… absolument insupportable. Il semble qu’il ait pris son rôle de producteur tellement à cœur, qu’il se soit mis à jouer le producteur également pendant les prises. Pas un sourire, pas une once de légèreté. Il se prend au sérieux, gonflé d’orgueil, et semble être le seul vraiment intéressé par cette fameuse liste d’espions infiltrés. Du début à la fin, chacune de ses scènes irrite et, malheureusement, son côté "je comprends des choses que vous, pauvres mortels, ne comprendrez jamais" n’est compensé par aucun de ses acolytes, surtout pas par ces chers Jean et Emmanuelle dont on a, encore aujourd’hui, des difficultés à comprendre la présence.
AlexLeFieutard
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le 9 avr. 2014

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