Möbius
5.3
Möbius

Film de Eric Rochant (2013)

Voici un film qui ne cesse de faire le grand écart entre son ambition (et des moments qui s'avèrent à la hauteur de celle-ci) et les instructions de la production, qui entraînent l'oeuvre dans des gouffres de médiocrité et de facilité.

Soit un excellent point de départ pour un film noir d'espionnage : deux agences convoitent la même taupe mais l'une d'elles ne le sait pas tandis que l'autre laisse faire, et la taupe elle-même ne sait pas qu'elle sert deux agences à la fois et tisse une relation avec un agent sans rien voir venir. On imagine le grand film qu'aurait pu faire un bon cinéaste avec un tel synopsis. Mais ici, un bon cinéaste se retrouve sous contrat avec Europacorp.

Conséquences : musique lourdingue, esthétique ringarde par moments, et surtout dialogues d'une nullité impressionnante, qui versent dans le plus trivial et le plus grossier avec une étonnante facilité. Le film est par moments d'une méprisante et inconsciente misogynie, et le personnage de Cécile de France, qui essaie de se la jouer femme forte avec les méchants russes, devient une cruche fadasse dans les bras de Dujardin. Il est navrant de la voir s'extasier sur "ses bras concrets" ou sur son tatouage de gangsters. Bonjour la drague à deux balles, les clichés 30 ans d'âge et le mauvais goût beauf (sérieux, un cheval ailé ? pourquoi pas un loup sous la pleine lune ou le visage de Johhny ?).

Dommage, car certaines séquences sont des modèles de montage et d'efficacité, et Rochant parvient à saisir brièvement l'intensité charnelle de ses deux acteurs. On apprécie aussi le peu de morts et la relative épure du film, jamais pyrotechnique ou vulgairement violent. Le scénario est bon, vous dis-je. Mais tout est plombé par les dialogues et la musique. Les extérieurs sont beaux et me rappellent particulièrement de bons souvenirs, étant natif de Nice et ayant vécu dans la région pendant des années (reconnaître la sortie d'autoroute qui mène à la maison de ses parents dans un film, où voir la rue à côté de celle où vit sa grand-mère, ça fait plaisir). Une séquence remarquable dans un restaurant, où les deux intrigues se rejoignent, aurait pu être un superbe épilogue au film, qui se traîne ensuite assez inutilement vers un final lourd de symbolisme et de mièvrerie. Et de manière générale, le symbolisme du film est bien trop appuyé : amusez-vous à cherchez les nombreuses références bibliques, qui sont depuis Se7en devenues une sorte de garantie du film "sérieux et intelligent" ...

Du gâchis donc.
Krokodebil
5
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le 4 mars 2013

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Krokodebil

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