Sur une thématique assez similaire, Mommy est assurément plus réussi que Le Huitième Jour puisqu’il se garde bien de faire pleurer dans les chaumières et de verser dans le film guimauve. Loin de là… tant le film est aride et brutal sur la forme et sur le fond. Le sujet de l’ado difficile (si ce n’est quasi-autiste puisqu’il souffre de troubles de déficit de l’attention autrement appelés hyperactivité) est ici traité sans pincettes. On est plaqué à son siège du début à la fin en étant pris aux tripes, même si on sourit paradoxalement souvent.
Le problème est que certains choix, quand ils n’agacent pas, finissent clairement par distraire l’attention du spectateur. Xavier Dolan aime -un peu trop- se regarder filmer tout d’abord. Prenez cette idée de filmer au format 1:1 (une image parfaitement carrée, encore plus qu’un en 4/3) pendant les 95% du film. Elle trouve en fait son explication à un moment précis du film où le réalisateur passe quelques instants en 16/9 avec une trouvaille scénaristique et visuelle bien sentie. Et là, on sent que Dolan a eu cette idée très tôt dans la conception de son film et s’est dit que sa trouvaille ingénieuse ferait son petit effet le moment venu (c’est-à-dire très tard dans le film). Alors oui, on se dit que le procédé est visuellement assez malin et fait sens sur la forme et sur le fond. Sauf que subir plus de 2 heures de film en 4/3 castré en 2015, non… Même pour une bonne idée… même (et surtout si) pour que le réalisateur se fasse plaisir.
Le choix de la distribution en France qui a été de conserver le film en français québécois avec sous-titrage en français hexagonal interroge également. Si par certains côtés, ce choix ancre encore plus le film dans une certaine réalité brute et sans fard, le spectateur français risque de nouveau d’être distrait de l’essentiel. La langage fleuri couplé à l’argot québécois pourra en effet de temps à autre renvoyer le spectateur aux bons souvenirs d’une imitation de Laurent Gerra ou Nicolas Canteloup (ce qui n’est évidemment pas le but poursuivi)… quand il ne le pousse pas de force vers les sous-titres quand les échanges deviennent proprement incompréhensibles.
Reste enfin la question du rythme extrêmement lent du film qui pourra en rebuter plus d’un avant qu’il ne décolle vraiment dans sa dernière demi-heure pour sortir le spectateur de sa torpeur et lui offrir un final où s’entrechoquent violence, tension et émotion.
S’il reste un film choc à découvrir assurément, le petit côté laboratoire cinématographique de Mommy l’empêchera ainsi de faire mouche chez certains. C’est dommage…