Les gens absents c’est bien ça l’ennuyeux, ils tournent tout le temps là devant nos yeux…

Maiwenn n’est pas connue pour faire des films très joyeux… C’est vrai. Mais son travail incarné et son envie viscérale d’aller sortir le meilleur des acteurs qu’elle convoque rend son cinéma intéressant.


A chaque fois la réalisatrice explore des thématiques qui font un écho direct à sa vie personnelle, plus au moins racontée dans les médias. Nymphomanie, violence familiale, peine de cœur, grossesse difficile… Bref, tout y passe ou presque dans un style de narration qui frôle toujours le documentaire. Si cela est un parti pris artistique dans "Pardonnez-moi" et "Le Bal des Actrices", l’aspect documentaire est d’avantage exploité comme un traitement réaliste d’une continuité dramatique pour "Polisse".


De fait, "Mon Roi" reste dans la même lignée que son prédécesseur (avec un gros clin d’œil en début de film) mais traite d’un sujet d’avantage enclin à la narration. Il est question ici du couple, d’un traitement psychanalytique de la relation amoureuse dans la joie comme dans la tristesse. Une manière pour la réalisatrice de revenir publiquement sur sa séparation déchirante avec Luc Besson. On a donc l’impression que Maiwenn fait avant tout sa propre psychanalyse à travers son répertoire de films.


Tony se pète une guibolle au ski et elle est ainsi contrainte de passer plusieurs semaines dans un centre de rééducation. C’est entre deux séances de tapis roulant et de piscine que Tony va se remémorer sa relation tumultueuse avec Georgio, un dragueur invétéré jouant sur son charme et son humour… Pour mieux cacher des fêlures profondes.


Ce couple est d’entrée de jeu assez singulier et la réalisatrice l’explicite dans sa narration. D’un côté on a Cassel, belle gueule, belle allure. Et de l’autre Bercot, avec un physique disons… Plus singulier ! Du coup Tony se demande rapidement : "Pourquoi moi ?". Certes, cette dernière n’est pas une bimbo’ que Georgio pourrait encore appâter sur une piste de danse. Mais Tony est juste Tony, différente.


En ce sens Maiwenn expose un couple singulier et attachant, dans leur relation, leur complicité, leur jeu naïf et enfantin. Tout va évidemment changer lorsque Tony découvre que cette joie n’est qu’artifice et que leur relation repose sur un tas de mensonges.
Le film bascule ainsi dans une autre tonalité, dépeignant une relation complexe et perverse.


"Mon Roi" n’a rien de révolutionnaire dans la forme. Tout tient sur ce duo d’acteurs qui défend une large palette d’émotions.
Emmanuelle Bercot, récompensée à Cannes, tient ici son rôle. Son personnage est tout aussi complexe que son mari. C’est une femme aimante, très aimante, mais qui doit se protéger. De fait, l’actrice retranscrit avec grande justesse toute la fragilité de cette situation, comme l’extrême poids psychologique qui pèse sur ses épaules.
Cassel, lui, assure aussi le job mais le résultat demeure plus nuancé. Toujours à l’aise dans la peau du dandy macho comme dans le rôle du psychopathe violent, il a toutefois du mal à nous toucher dans les quelques scènes où Maiwenn expose la fragilité du personnage. Cela s’exprime très précisément dans la scène où Georgio avoue se droguer. On a d’avantage l’impression d’un mensonge mal joué qu’une vraie confession…


"Mon Roi" arrive quand même à nous accrocher dans la durée grâce à cette force de jeu, principale qualité du film, et qui va ainsi donner naissance à plusieurs moments forts jalonnés tout au long de l’intrigue. Jusqu’à ce final plutôt réussi, moins brutal et téléphoné que celui de "Polisse".
Le couple séparé se retrouve à la même table pour faire le point sur la scolarité de leur fils. Et tout va être dit par un jeu de regard, parfois pas assez subtil malheureusement. Georgio remarque que Tony porte toujours la montre qu’il lui avait offert, ce qui est explicité par un plan rapproché où l’on voit Cassel sourire. Ce n’était pas forcément nécessaire… L’équilibre aurait été plus respecté si on était resté dans le parti pris du "non-dit".


Bref, Maiwenn signe ici un film intéressant, à son image. Malgré quelques fausses notes cette peinture amoureuse jouant avec les extrêmes du cadre a le mérite de nous tenir en éveil pour mieux travailler notre propre affect.


https://www.youtube.com/watch?v=4Gwz_HkDGOo

Théo-C
7
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le 2 nov. 2015

Critique lue 322 fois

Théo-C

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