Mon roi raconte une passion amoureuse destructrice « classique ». C’est une histoire qu’on nous a déjà mille fois contée, au cinéma ou ailleurs.
Tony tombe amoureuse de Giorgio. C’est l’ivresse, l’euphorie, les débuts heureux, le rêve éveillé. Giorgio est irrésistible et la vie paraît tellement plus belle à ses côtés. Et puis, petit à petit, Tony commence à déchanter, ça se gâte; Giorgio est instable, un peu pervers narcissique sur les bords; il exerce sur elle une emprise psychologique, il lui fait subir tous les calvaires possibles, la plonge en enfer. Elle est trompée, humiliée, trahie. Tony accepte, lui trouve des excuses. C’est livré par flashbacks et ellipses, et nous assistons en parallèle aux longs mois de rééducation de la jeune femme, qui s’est rompue les ligaments du genou à cause d’un accident de ski. Cette blessure, c’est la métaphore (un peu trop évidente) de son histoire. Il fallait que quelque chose se brise.
Le film est un peu long, mais Maïwenn tient à aller jusqu’au bout de son propos. L’histoire de Tony et Giorgio est toxique, mais pas manichéenne. Une fois passées les années de mariage tumultueuses, l’amour subsiste, à sa manière. Giorgio parvient encore et toujours à lui (nous) arracher un rire, et à attendrir. On le regarde avec les yeux de la jeune femme, embarqués nous aussi dans un rollercoaster émotionnel, et notre jugement est sans cesse bousculé: au moment où l’on se prend à le détester cordialement, il finit toujours, invariablement, par nous avoir à grands traits d’humour. Certes, il est « le roi des connards » (dixit lui-même), mais ce n’est pas si simple.
La force de ce film tient à ses acteurs: Emmanuelle Bercot n’a pas volé son prix d’interprétation à Cannes, et Vincent Cassel est désarmant. Louis Garrel, d’ordinaire insupportable avec son côté poète bobo torturé/enfant chéri du cinéma d’auteur, est à contre-emploi ici et se révèle franchement drôle.
Il est reproché à la réalisatrice son goût des scènes « djeuns » aux allures improvisées (celles au centre de rééducation, notamment). C’est pourtant là tout le charme du cinéma de Maïwenn. Ces scènes, d’une fraîcheur inouïe, donnent une bouffée d’oxygène à cette histoire éprouvante, et au cinéma français en général.