La Grande Vadrouille Américaine
C'était autrefois synonyme de curiosité, d'intérêt, et de démarquage par rapport aux flots d'œuvres fictives. C'était autrefois la marque d'œuvres singulières et souvent de qualité.
Je parle bien entendu de l'inévitable maxime pour remonter le consommateur le long de la canne à pêche (voir avec un gros chalutier) dans le 7ème art:
"Inspiré d'une histoire vraie"
Car sous cette phrase pompeuse, on finit car caser tout et n'importe quoi.
La première chose assez louche est la facilité avec laquelle George Clooney rassemble son équipe de conservateurs -scène presque plagiée sur un Ocean Eleven- pour aller récupérer les œuvres d'art volées par les nazis:
"-Allez les gars je vous emmène sans préavis pour aller enquêter au beau milieu d'un des théâtres de guerre les plus meurtrier de l'Histoire ! Partant ?
-Ouais mec pas de problèmes!"
Mais c'est ensuite que Monument Men surprend le plus; car c'est dans la joie et la bonne humeur que notre bande de sept larrons va traverser dans son road trip une Europe en guerre, avec si peu d'enjeux qu'on a du mal à croire qu'il s'agisse d'une trame sérieuse.
Car après tout, n'est-il pas tragique de voir que des juifs, non content d'avoir été déportés et tués en masse, ont vu leur patrimoine de valeur pillé et détruit ?
Sauf que là, à part une pincée de phrases "émotives" comme les américains les adorent et une ou deux scènes où on nous apprend que "ah ben… brûler un Picasso… ah ben en fait c'est mal !", à part cela rien, rien ne semble se prendre au sérieux dans Monument Men.
Entre une mise en scène incroyablement soft pour un film de guerre, et une musique tout droit sortie du Gendarme de St Tropez, le film de George Clooney puise surtout, et avec stupeur, dans le registre comique. De temps en temps on nous montre très maladroitement un SS un peu fâché, et un G.I sur le point de mourir, pour nous expliquer que "ah ben la guerre… ah ben en fait des fois ça fait pas que du bien!". >> Merci on a appris un truc grâce à vous !
Il faut ajouter à cela que Monument Men, à l'instar du récent 12 Years a Slave, est non seulement "l'œuvre" de cinéma d'auteur d'une super star d'Hollywood (Brad Pitt, maintenant Clooney) , mais aussi un énième représentant de ce genre de moins en moins supportable: les films MORALISATEURS.
Histoire de nous rappeler -comme on le sait pas encore- que les nazis étaient tous des gros vilains méchants et que les américains étaient tous des bons gentils altruistes… Navrant de simplicité.
D'ailleurs, l'ensemble des moments "sérieux" peut se voir dans la bande annonce, ce qui prouve que le film s'est vendu pour quelque chose qu'il n'était pas. Et c'est bien là le cœur du problème.
Soit on décide d'emblée de faire un film tournant la guerre en dérision (la 7ème compagnie, la grande vadrouille…) soit on fait un long-métrage poignant et sérieux sur le conflit. Et de bons films -récents- sont sortis dans ce dernier genre (les insurgés, opération Walkyrie, Stalingrad…).
Des scènes de fusillade auxquelles on ne croit pas, des morts incompréhensibles, une absence d'enjeux dramatiques, un tableau hyper caricatural de la seconde guerre mondiale… Pour preuve:
Les américains sont tous des BONS américains, l'anglais est alcoolique, le français un peu racontar se targue d'un sourire ravageur, les parisiens sont tous des libidineux infidèles, les chefs de la Wehrmacht qu'ils rencontrent ont évidemment tous dirigés des camps, les russes ont tous des tronches de gros rustres…
Cliché, cliché, cliché, cliché, cliché.
Et pour couronner le tout, devinez qui parmi la fine équipe meurt ? Le rosbif et le français ! Pas un seul américain n'y reste!
En bref on peut toujours accorder à Monument Men de raconter une histoire originale, rendre hommage à des hommes qui ont préservés ce patrimoine. De plus, le casting n'est pas mauvais en soi. Mais ce scénario original est traité avec une banalité affligeante, les lacunes de la forme par rapport au fond, et l'ensemble manque beaucoup de crédibilité.