J. Nichols, Bac + 3 mention très bien.

Mud est une œuvre qui éblouit la spectatrice que je suis de bien des façons, et me laisse à penser avec bonheur que Jeff Nichols a tout pour devenir mon auteur chouchou. Vous savez, celui de « votre génération », découvert en temps réel et dont vous suivez l'ascension avec avidité. Take Shelter m'avait collée une dérouillée sévère par son propos original, tranchant avec les autres films que j'avais pu voir, et les prouesses des acteurs, tendant vers le sublime. Shotgun Stories, moins abouti que ce dernier, restait un très bon premier film.

Ce troisième film nous fait retrouver, avec une certaine familiarité désormais, les codes chers à son auteur. Le scénario est fluide et musclé, truffé de petites perles d'humour. Il repose pourtant sur une problématique parmi les plus traitées depuis la nuit des temps, à savoir l'amour et les questionnements qui en découlent. Pas de déjà-vu ici, dans le sens où Nichols a une patte bien à lui pour rendre ses histoires à la fois extrêmement personnelles et universelles. Eh oui, je crois fondamentalement que Mud est un film accessible à tout un chacun sans pour autant basculer dans le mainstream, et c'est ce qui, selon moi, fait sa force.

L'Amour ? Mais alors c'est niais ? Point du tout l'ami! On est dans le « vrai », un Arkansas brut et sans fanfreluches. L'art de Nichols est d'arriver à mêler de manière plus qu'habile une enquête policière, des dialogues et situations souvent très drôles, subtiles et jamais vulgaires (histoire de nous faire un peu souffler dans cette atmosphère tendue), et des questions de société tout en restant dans le genre dramatique. Aucune confusion des genres, tout est magnifiquement orchestré. C'est ce que je ne cessais de me dire pendant la séance. Les critiques fustigent des dialogues « simplistes » ? J'ai eu bien au contraire l'impression que chaque mot est pesé. La bande-son se fait très discrète (et ça repose!), simplement là pour appuyer l'histoire sans la porter: pas la peine, en effet, puisque le film dispose d'un scénar en béton et d'une distribution d'excellence.

Venons en à cette distribution, justement. Pour la troisième fois, c'est un sans-faute concernant le casting, maîtrisé d'une main experte. Tous, absolument tous les acteurs parviennent à nous transmettre des émotions intenses. Sérieusement, j'avais les boules. McConaughey en Mud est un excellent choix, l'acteur étant manifestement très à l'aise dans la peau de son personnage tourmenté, asséché par l'amour sans borne qu'il voue à Juniper (Reese Witherspoon). Je craque complètement devant les adorables bouilles d'Ellis, 14 ans, et son acolyte Neckbone. Il faut saluer leur performance, rare pour de si jeunes acteurs. Ellis, touché au cœur par les disputes entre ses parents et ses premiers émois amoureux, se raccroche désespérément à l'histoire de Mud et Juniper. Il m'a été impossible de ne pas souffrir avec lui. Personnage tout aussi émouvant qu'Ellis, orphelin élevé par son oncle plongeur/glaneur d'objets jetés au fond du fleuve (un joli second rôle pour Michael Shannon, décidément présent depuis Shotgun Stories), Neckbone est la caution plus légère de cet attachant duo.

Ahhhh et la photo! Troisième pilier des films de Jeff Nichols (à mon sens du moins...), c'est là encore une réussite. Un vrai régal pour mes yeux.

Verdict: à voir (et à revoir) ! Sans hésitations.

ET VIVEMENT LE PROCHAIN!