Tout n’est qu’une histoire d’audience.


Lorsque la caméra cesse de tourner, lorsque les projecteurs s’éteignent dans un crépitement funeste, une nouvelle histoire commence, cette fois-ci en coulisses. Paré d’une apparence quasi-documentaire, le film de Sidney Lumet s’immisce dans les méandres de la télévision, révélant un envers du décor où tout ne repose que sur le sensationnel et le paraître. Le spectateur est une cible facile à appréhender mais difficile à garder captive dès lors que l’attrait de la nouveauté vient à s’évanouir. Cela, les producteurs l’ont bien compris, et ils redoublent d’inventivité pour continuer à accaparer toujours plus de nouveaux cerveaux à laver.


Tout en restant éloigné du sujet qu’il traite, de manière omnisciente mais paradoxalement très proche de ses protagonistes, Lumet nous narre la poursuite effrénée d'une reconquête populaire par le biais de la chaîne fictive UBS en proie à des audiences en bernes. Suite à la promesse inattendue du suicide en direct d’un des présentateurs phares de la chaîne, et poussé par une productrice avide de retombées médiatiques, le canal va peu à peu s’enfoncer dans ce que la télévision fait de plus dangereux : des programmes avilissants mais qui captent l’attention de l’audimat. S’en suit alors une critique acerbe de la TV, effroyablement d’actualité à l’heure où les médias et l’info en continu n’ont pour but que de garder le spectateur le plus longtemps devant l’écran, quitte à diffuser des images chocs ou à l’intérêt limité. Quarante ans nous séparent de cette oeuvre, mais rien n'a vraiment changé.


Ajoutons à cela un pamphlet non déguisé sur l’industrie capitalistique, en grande partie responsable de ce traitement financier et totalement intéressé de l’information, un fabuleux jeu de chat et la souris entre les différents protagonistes qui ne cessent de passer d’une situation sous contrôle à l’anarchie la plus totale, et vous obtiendrez un chef d’œuvre. Chaque personnage est la représentation métaphorique de ce qu'il incarne, chaque situation rajoute une pierre à l'édifice de la satire. Parfois un peu trop verbal, avec des dialogues qui sonnent travaillés à l’excès et qui aseptisent le côté spontané qu’on peut vouloir apporter à un discours, le film n’est pourtant, au final, que ce qu’il dénonce : un divertissement, sur-joué et à l'issue tragique évidente.

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le 24 janv. 2017

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Thibaulte

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