Ce qui est intéressant avec les comédies anglaises, c'est qu'elles peuvent aborder – avec un flegme tout britannique – des sujets qui ne se retrouvent pas nécessairement dans les productions d'autres pays. Ou alors, les sujets en question se trouvent traités de manière bien différente, mais certainement pas sur le ton de la comédie ou de la tragi-comédie.
Noblesse Oblige représente probablement la quintessence de cette idée, puisqu'il sera ici question d'une série de meurtres, perpétrés à la fois pour assouvir des besoins de vengeance et pour hériter d'un titre de noblesse, comme pour faire un pied de nez à une vie jusqu'ici bien difficile.

Sujet pas spécialement drôle au premier abord, et à deux exceptions près, les forfaits de notre meurtrier ne le seront pas spécialement plus. Là où Noblesse Oblige gagne sa dimension humoristique, c'est dans le personnage principal, Louis Mazzini, homme grand, élancé, et surtout pourvu d'un détachement et d'un flegme à toute épreuve. Tuer, pour lui, ne tient ni du plaisir sadique, ni de la basse besogne ; c'est un acte comme un autre, destiné à améliorer sa place dans l'échelle sociale. Son attitude détendue et son sens de la formule feront plus d'une fois merveille ; sans jamais être hilarant, ce film délicieusement incorrect devient rapidement jubilatoire, tant il s'agit d'un plaisir de voir le héros se débarrasser les uns après les autres des membres de sa glorieuse famille.

En outre, Noblesse Oblige nous offre une magnifique collection de personnages, à commencer par les futurs disparus eux-mêmes. A ce propos, cette œuvre dispose d'une particularité assez unique pour un long-métrage mettant un scène un tueur en série : toutes les victimes sont interprétées par un seul et même acteur ; en d'autres termes, c'est toujours le même acteur qui se fera assassiner tout au long du film. L'heureux élu n'est autre que Alec Guinness, qui par un jeu de déguisements savamment étudié incarnera simultanément des jeunes, des vieux, des chauves, et même une femme ; c'est d'ailleurs cette dernière qui constitue le maillon-faible, car si nous sentons bien qu'un homme se cache sous ses traits grossiers (qui lui vont à merveille), difficile de se rendre compte que les autres membres de la famille ont été interprétés par le même individu. Très grande prestation que celle d'Alec Guinness, dont le jeu oscille entre l'outrance – pour le pasteur ou le général – et une certaines finesse, pour nous dépeindre des caractères les plus distincts possibles.

Noblesse Oblige n'est pas seulement très bien joué ; il est surtout très bien écrit, avec un cynisme rare qui fait extrêmement plaisir à voir, et surtout à entendre puisque le scénariste a soigné ses dialogues aux petits oignons. Le tout dans une ambiance profondément anglaise, avec un héros flegmatique au possible et de nombreuses trouvailles pour ponctuer les meurtres (celui d'Agatha est un délice).
Comme dit précédemment, ce n'est jamais hilarant. Ce film joue plus sur la légèreté et une atmosphère doucement corrosive. Autant dire que cela ne ressemble en rien à de la comédie franchouillarde ou américaine de base (double pléonasme), mais que cela n'en demeure pas moins efficace. Et malgré une image en noir & blanc, il n'a pris aucune ride depuis 1949. Immanquable, cela va sans dire.
Ninesisters
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Créée

le 4 mars 2012

Modifiée

le 10 sept. 2012

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