Quatre gouttes d'eau, à l'abandon, loin de l'océan...

Coup de cœur pour ce beau film japonais qui est à la fois d’une douceur enivrante et d’une angoisse désarmante. Abandonnés, ces jeunes enfants se retrouvent à vivre ce que beaucoup d’autres aimeraient : la tranquillité, loin du regard trop présent de leurs parents. Mais pas trop longtemps quand même. Le film commence ainsi, nous dévoilant le quotidien de ces enfants plutôt débrouillards bien encadrés par leur frère aîné. La mise en scène délicate de Hirokazu Kore-Eda se reposant notamment sur de superbes éclairages et de magnifiques gros plans se garde bien de toute forme de compassion et contribue à maintenir le film éloigné du mélodrame qui aurait été trop facile de proposer. Cette couleur et cette luminosité qui se pose sur la pellicule du réalisateur n’est parfois pas sans me rappeler celle du Yi Yi d’Edward Yang, ni celle du cinéma asiatique en général. Kore-Eda filme la douleur dans la douceur et c’est beau. Il fascine tour à tour pour son insouciance de l‘âge, sa solidarité de l’existence, son émotion contenue mais palpable. La très belle interprétation proposée par le jeune acteur Yūra Yagira dans ce portrait d’une famille brisée n’a pas volé son prix cannois. Etalé dans le temps et la douce joie des saisons, on observe là les conditions de vie qui se dégradent, en même temps que l’arrivée progressive d’un été caniculaire qui enferme leurs élans de vitalité, de liberté. Face à la rudesse du monde et perdu dans toute son immensité, l’insouciance file vers d’autres horizons et les deux aînés, Akira et Kyoko, impressionnent par leur maturité, leur calme amer. Très intimiste mais non moins pudique, le réalisateur capte ces moments de mélancolie sans faire intervenir le pathétique ou le larmoyant. Si aucune issue heureuse ne semble accessible, il subsiste ici une once d’espoir qui nous soulève le cœur avant qu’il ne soit rattrapé par la réalité. Par ce mal muet et indicible que seule la dureté de la pellicule de Hirokazu Kore-Eda nous fait comprendre. Par ce visage fermé, assis dans un train comme il le serait au bord du monde, sur un esprit insondable car tellement détaché. Par cette musique qui toujours fait rejaillir ces éclats de douceur et de sensibilité. Petite perle asiatique, Nobody Knows n’aurait pas volé, cette année-là, la précieuse Palme d’Or.
Vino
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le 2 mai 2014

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