Nomad
6.6
Nomad

Film de Patrick Tam Kar-Ming (1982)

Nomad est de ces curiosités cinématographiques qui déroutent. D’autant plus qu’il peut insuffler aux spectateurs une certaine forme de confusion. Tout au long du film, Patrick Tam prend le parti-pris du réalisme. Il offre un portrait contemporain de la jeunesse hongkongaise en apportant une dimension sociale. Ce drame empreint de romance s’intéressent à dépeindre l’insouciance d’une jeunesse vagabondant sans vrai but. Une jeunesse oisive, incarnant la vanité de l’existence ne trouvant sa place dans la société et personnifiant une liberté sexuelle sulfureuse. Une liberté sans frontière d’origine sociale ou nationale, liant riche et pauvre, chinois comme japonais. Survient alors le point de rupture, un épilogue détonant allant à contre-sens de ce que l’auteur avait mis en place jusqu’alors. Le destin violent qui ponctue l’histoire de nos quatre protagonistes désarçonne autant qu’elle interpelle. On sentait venir des pointes propres au thriller qui trouve ici sa conclusion. Une ponctuation brutale qui crée une cassure avec le rythme langoureux qu’endossait Nomad jusque dans ces temps-morts qui le composaient.


Cette cassure qui achève Nomad par le biais d’un carnage ensanglanté sur une plage pourrait être une caractéristique propre au cinéma hongkongais, sujet à ces changements de ton. Pourtant s’il faut aller chercher une explication à cet épilogue « original » contrastant avec la réussite stylistique du film, c’est bel et bien dans un conflit opposant producteur(s) et réalisateur. Les échos faits à ce sujet font état de divergence qui aurait conduit Patrick Tam à saboter cette fin. On dit aussi que les producteurs l’auraient tout simplement retourné et remonté puisqu’en totale inadéquation avec la vision qu’en avait le cinéaste. Ce dernier souhaitait ponctuer son œuvre par un jeu de massacre perpétré en huit clos sur le bateau du film. Il n’en aura rien été. L’œuvre finale est alors un film qu’on pourrait qualifier de bâtard. S’il y a une mise en scène avec un soin apporter à la composition des cadres, à l’éclairage et au montage, ce travail s’en trouve délesté dans sa dernière partie. Un dénouement perturbant, pas tant dans le fond (quoique un peu tout de même puisqu’arrivant comme un cheveu sur la soupe) mais dans cette mise en forme excluant tout travail de réalisation et semblant se débarrasser au plus vite d’un film non-assumé.


Réussite en demi-teinte (combinaison hasardeuse entre la composition personnelle et la mainmise des producteurs), Nomad n’en est pas moins un film intriguant par la tournure que son récit prend. Un film qui aura eu le mérite de créer la polémique à sa sortie, tant sur cette jeunesse montrée que l’aura sexuelle qui en découle.


https://hongkongmovievideoclub.wordpress.com/2012/10/24/nomad-1982-patrick-tam-kar-ming-avis-critique/

IllitchD
7
Écrit par

Créée

le 3 déc. 2012

Critique lue 646 fois

8 j'aime

2 commentaires

IllitchD

Écrit par

Critique lue 646 fois

8
2

Du même critique

L'Enfer des armes
IllitchD
8

Director’s cut

Disparu. L’Enfer des armes de Tsui Hark est une œuvre mythique à elle toute seule. Troisième et dernier film de Tsui Hark de sa période dite « en colère », l’original est interdit par le comité de...

le 31 janv. 2013

31 j'aime

2

A Bittersweet Life
IllitchD
5

Critique de A Bittersweet Life par IllitchD

Kim Jee-woon réalise une pépite de style. La réalisation a du style comme son personnage principal (Lee Byung-hun). Tout y est stylé, les plans, les costumes taillés, la belle gueule du héro...

le 28 mai 2013

31 j'aime

The Murderer
IllitchD
6

Critique de The Murderer par IllitchD

The Murderer commence dans le Yanji, ce début de film est d’un aspect quasi documentaire, Na Hong-jin nous montre une région aux immeubles vétustes et sinistres. Il y a une misère palpable qui...

le 11 févr. 2013

30 j'aime

2