Genre: « il faut bien un premier film »
Voir un premier film d’un auteur à la carrière impressionnante peut conduire à la fois à l’excitation comme un archéologue à la recherche des germes d’une oeuvre à venir. Mais cela peut être aussi l’occasion de la désacralisation d’un cinéaste respecté.
Avec Nomads, il semble que nous soyons dans le second cas. Le film est réalisé en plein milieu des eighties. Il met en scène un jeune anthropologue français Jean-Charles Pommier (Pierce Brosnan) qui vient vivre à Los Angeles avec sa compagne après une expédition en Afrique. Parallèlement, il va faire face à une étrange bande de motards qui vandalisent son domicile tout en observant ces drôles d’individus. Le début du film montre la mort de Pommier et sa rencontre avec le Dr Eileen Flax(Lesley-Anne Down) qui va vivre par procuration les événements précédant sa disparition. Qui sont ces motards oeuvrant la nuit ? Qu’est il arrivé à Pommier pour qu’il sombre dans une crise d’hystérie?
Il s’agit du seul film où McTiernan sera à la fois réalisateur et scénariste. Le cinéaste considère cet opus par les mots « il faut bien un premier film ». Sorti dans une indifférence générale à l’époque avec un passage au festival d’Avoriaz et aujourd’hui un des films les plus méconnus au sein d’une grande carrière avec une sortie DVD assez lamentable, le film a tout pour faire peur.
Déjà, on sent que l’époque de réalisation est déterminante. En effet, le long-métrage contient beaucoup de tics de mise en scène des eighties. John McTiernan semble tâtonner dans ses choix de mise en scène allant du meilleur avec une ambiance nocturne oppressante aux ralentis complètement hors de propos avec une composition datée de Bill Conti.
Le scénario tente de nous expliquer les différents événements qui ont conduit au décès de Pommier à travers les visions du Dr Eilen Flax. D’ailleurs, il faut déjà noter une construction bancale et alambiquée de la dramaturgie. En effet, on ne comprend jamais l’intérêt de la présence de ce personnage de médecin qui n’apporte aucun recul sur le passé de Pommier. Le vécu par procuration de Lesley Anne Down est avant tout un argument pour justifier l’aspect fantastique du film de façon très maladroite mais n’est vecteur d’aucune émotion supplémentaire. Le voyage nocturne de Pommier se suffit à lui-même.
En parlant des choses qui fâchent, l’interprétation de Brosnan en être polyglotte s’exprimant en français reste un élément de rires involontaires devant le film. On ne se lasse pas du « Ta gueule » devenant un « Ta goule »! Le long-métrage ne peut donc pas compter sur des interprètes principaux assez limités. C’est surtout l’ambiance globale qui aide le film en plongeant dans un climat nocturne , oppressant et de mystère. On retiendra les observations à distance de Pommier de cette « tribu » de motard entre fascination et danger. John McTiernan réussit à construire des séquences prenantes comme celle des nonnes dans un couvent abandonné. En ce sens, ce premier travail contient les prémices d’une oeuvre à venir comme en témoigne le jeu sur les différentes langues des protagonistes comme dans le 13ème guerrier. De même, la relation qu’entretient McTiernan avec le fantastique est déjà présent. En effet, à l’image de Predator, on retrouve l’intrusion du surnaturel dans un genre codifié au départ ,ici, le thriller. On s’amusera aussi de retrouver la scène de la mort du bad guy du premier Die Hard.
Cependant, tout ceci n’empêche de voir le film s’enliser dans un rythme assez mou qui conduit à un twist final assez attendu sans force cathartique. Dans un souci de construire un mystère et une atmosphère, le cinéaste dose mal les « aller retour » de son récit et finit par plus ennuyer que fasciner.Bien ancré dans son époque, la représentation du groupe de motards est plus proche d’un Cobra avec Sylvester Stallone qu’une réelle menace comme l’était la créature du Predator.
En somme, Nomads est le témoin des débuts des thématiques de l’oeuvre du cinéaste mais il est difficile d’y trouver les recherches formelles que Tiernan accomplira dans le cinéma d’action dans la suite de son oeuvre. On a du mal à croire qu’il s’agit du même réalisateur « rentre dedans » de Predator.