La première heure de ce Nos souvenirs nous a donné envie d'aller, nous aussi, dans cette forêt des derniers soupirs... Intrigués qu'on était par le personnage de Matthew McConaughey (toujours au top) qui est un veuf suicidaire dont on aimerait connaître l'histoire, on se désespère vite de voir le film commencer un jour, on ne fait qu'attendre les bras croisés que Monsieur Gus Van Sant se décide entre sa ballade forestière et son récit de vie passée. Car on se lasse (étrangement) au bout du dixième flashback qui ne nous apprend rien, qui tourne volontairement autour du pot pour tenter de nous donner envie d'apprendre la révélation finale, et qui coupe grossièrement les plans de l'intrigue "au présent". Cette première heure infernale d'ennui est vraiment dommage, car lorsque le film daigne démarrer, il nous offre un panel d'émotions impeccables, une morale des plus magnifiques et un retournement de situation qu'on n'attendait pas (et qui surprend agréablement). On découvre ainsi toute la malchance tragique de cet homme qui,
à l'instant des réjouissances d'apprendre que sa femme se sortira de sa tumeur cérébrale, est confronté à sa mort par accident de voitures
(on s'écrie que "ce n'est pas possible, pauvre couple..."), et l'on comprend alors son geste suicidaire. Ensuite, on s'étonne de la belle morale de résilience, du message que nous donne le personnage de McConaughey en se battant pour vivre (finalement) uniquement pour sauver l'homme d'affaire mal en point (venu aussi mettre fin à ses jours). Et l'on s'émerveille, à la dernière seconde, avec un si joli twist de scénario :
l'homme d'affaire n'a jamais existé, il s'agit d'une dernière tentative désespérée de l'inconscient du personnage principal pour lui éviter la mort, l'intéresser à la vie (ce qui nous est suggéré aussi par le nom donné à cette illusion, qui reprend en japonais la saison hivernale et la couleur jaune, les préférées de la défunte femme). Ou, autre interprétation possible : comme l'on nous dit qu'il s'agit d'une forêt aux milles esprits, on peut tout aussi bien penser à une manifestation paranormale d'un esprit bienveillant, qui a "lu" la vie de l'homme (et lui a donné un indice avec ses nom et prénom),
le film laissant volontairement la porte ouverte à plusieurs interprétations. Nos souvenirs est comme une belle orchidée qu'on aurait planté : on s'ennuie d'attendre devant le bulbe qui peine à pousser, mais lorsqu'il fleurit enfin, il nous offre un bien joli spectacle poétique.