Huit ans après "Paranoid Park", qui avait remporté le Prix du 60e anniversaire du festival, Gus VAN SANT est de retour à Cannes pour présenter La Forêt Des Songes. Nul besoin de passer par quatre chemins pour le dire : Gus VAN SANT accède de nouveau à la compétition officielle avec ce qui est son plus mauvais film.


Scénarisé par Chris SPARLING, scénariste de l’anxiogène Buried et du navet horrifique Le Projet Atticus, "La Forêt Des Songes" est pourtant la promesse d’un film délicat et contemplatif sur le thème du suicide. Cependant, ce scénario prometteur se transforme en un film grotesque, pataud et bâclé.


"La Forêt Des Songes" est un film monstrueusement kitsch, tout juste digne de passer sur NT1 un dimanche après-midi au milieu du mois d’août. Flashbacks poussifs, voix off clichées, rien ne nous est épargné. Le dénouement héroïque atteint des sommets dans le domaine de la ringardise et constitue ce qui se fait de pire dans la production hollywoodienne. Le film est gros-doigt et ne jouit d’aucune subtilité permettant de faire passer la pilule : gros plans appuyés sur les indices qui seront décisifs plus tard dans l’histoire, dialogues dénués d’intérêt et tombant comme un cheveu sur la soupe qui ne serviront qu’à sauver le héros dans un moment critique à l’aide de flashbacks encore plus exagérés que les autres. L’écriture des personnages est également balourde et fadaise : on assiste donc à la rencontre entre le scientifique américain pragmatique et le japonais traditionaliste et spirituel. Il est absolument désolant de constater qu’en 2015, des films sont encore produits sur ce schéma binaire et réducteur.


"La Forêt Des Songes" gravit un autre échelon dans la bêtise cancre en jouant – une fois de plus – sur les clichés habituels du Japon vu par les américains. On retrouve donc le salaryman japonais moyen qui décide de se passer la corde au cou parce qu’il est dépassé par son travail. Notre japonais moyen est également très spirituel, il entend les esprits de la forêt et psalmodie des réflexions philosophiques à peine digne d’un biscuit de fortune. Une fois de plus, ce film est la preuve de la condescendance certaine d’Hollywood sur l’Asie, l’Afrique ou même sur les amérindiens, tous relégués au rang d’outil scénaristique spirituel et mystique.


Le film livre également une vision complètement fabriquée et romancée de la forêt d’Aokigahara, la fameuse forêt des suicides, où une centaine de pendus sont retrouvés chaque année. Conscient du phénomène, les autorités japonaises parcourent quotidiennement le site afin de prévenir d’éventuels nouveaux actes suicidaires et pour « nettoyer » la forêt des corps de ceux qui seraient passés à l’acte. Sur les 3 500 hectares de la forêt d’Aokigahara, il faut donc manquer cruellement de chance pour trébucher sur un cadavre. Mais dans "La Forêt Des Songes", on ne recule devant aucune absurdité et on trouve donc un corps en état de décomposition avancé tous les dix mètres, malgré le fait que la forêt soit constamment sous la surveillance de caméras et de patrouilles de secouristes. Dernier affront fait au Pays du Soleil Levant, la mention au générique que l’intégralité du long-métrage a été tournée dans le Massachusetts, l’air de dire « une forêt, c’est une forêt ; et God bless America, on ne va pas s’emmerder à aller tourner chez les sauvages ».


On peut dès lors se dire que "La Forêt Des Songes" sera peut-être sauvé par un casting de qualité, portant à lui seul toute l’émotion et la délicatesse du film sur ses épaules. On retrouve en lieu et place de ce casting un Matthew MCCONAUGHEY complètement amorphe, qui effectuait pourtant un parcours sans faute depuis sa « renaissance » dans le cinéma d’auteur ; Ken WATANABE, qu’on a désormais l’habitude de voir en surjeu complet dans les productions hollywoodiennes depuis quelques temps ("Mémoires d’une Geisha", "Godzilla") et Naomi WATTS, qui donne l’impression d’être simplement venue cachetonner dans ce film.


Point d’orgue à l’agacement continu que provoque "La Forêt Des Songes" : la musique mielleuse et omniprésente est complètement hors du ton du film et semble ne jamais s’arrêter.


Hué par la presse et le public à Cannes, "La Forêt Des Songes" est reparti bredouille et il n’est nul besoin de signaler que c’est amplement mérité.


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le 15 juin 2015

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