Hasard du calendrier, la programmation cinématographique de l’année 2016 nous a offert à un mois d’intervalle deux films partageant la thématique du deuil d’un mari et la même actrice principale en la personne de Naomi Watts. Si j’en parle c’est parce je suis allé les voir tous deux, principalement pour leur casting, et que j’avoue une nette préférence pour Demolition avec Jake Gyllenhaal, qui traite le sujet avec plus de légèreté. C’est pourtant The Sea of Trees avec son ambiance austère et contemplative qui se révèle paradoxalement le moins subtil. Le film n’est pas entièrement mauvais, on y compte plusieurs scènes réussies ; mais l’ensemble ne forme pas un tout cohérent ; ni cohérent, ni subtil, ni original d’ailleurs.


Du point de vue de l’originalité, il faut dire que le sujet ne s’y prête pas puisqu’il a déjà été traité de nombreuses fois, mais le film pourrait justement venir apporter de la nouveauté grâce à ses partis-pris (ce qui est aussi l'objectif d'un remake) ou ses interprètes qui peuvent nous transmettre leurs émotions à travers l’écran. C’est ce qui pour moi explique le plaisir que j’ai éprouver à regarder Demolition avec un Gyllenhaal tout à fait attachant et communicatif. Néanmoins, dans The Sea of Trees, rien de la part du réalisateur ou des acteurs ne vient faire sortir le long-métrage de sa torpeur tandis qu’il déroule comme un fuseau cent fois dévidé les mêmes étapes symboliques auxquelles nous ont habitué ce genre de films. Et puis tout est prévisible : on sent arriver le twist final à des kilomètres tout simplement parce qu’on a déjà vu cela ; c'est une trame éculée que reprend le film sans y apporter la moindre nouveauté.


En plus de ce manque patent d’originalité, le film est assez poussif, notamment dans sa manière de souligner chaque moment par des dialogues inutiles, comme si Gus van Sant ne faisait plus confiance à sa mise en scène et son langage visuel ; ceci culminant bien entendu au moment du dénouement lorsque le film enchaîne avec lourdeur révélation sur révélation. En fait, le film aurait dû s’arrêter lorsqu’il sort de l’hôpital : fin de l’histoire, le spectateur a très bien compris le fin mot et tous les détails distillés au fond du scénario auraient gardé une sorte d'intimité (que le film essaie pourtant de cultiver avec cette ambiance austère) qui ne se serait révélée qu’au spectateur attentif. Non, ici il faut qu’il en rajoute une couche avec trois fins différentes et un montage en voix-off digne d’un dessin-animé Dreamworks. De la subtilité vous dis-je.


J’en viens finalement au point qui m’a le plus déçu ; le film en effet ne parvient pas à tenir une cohérence à tous les élément qui le constituent. La musique tout d’abord que j’ai trouvé incongrue ou inutiles par moments. Au début du film, par exemple, nous découvrons le chemin parcouru par le protagoniste pour se rendre dans la forêt qu'accompagne d’une musique au ton gai qui contraste complètement avec les images et ne permet pas de se plonger entièrement dans l’histoire de ce veuf. Au niveau de la mise en scène Gus van Sant abuse du très gros plan sans que cela ne soit vraiment justifié par un propos. Le film alterne ainsi les séquences de dialogues en très gros plans et les moments de marche voire d’action ou les péripéties évoquent plutôt 127h qu'un film de révélation spirituelle, avec les différentes blessures qui auraient dues entraîner sinon la mort du moins une paralysie et qui font lever plus d’un sourcil pendant la séance.


Tout n'est cependant pas à jeter et je l'ai trouvé tout à fait regardable. Les plans larges sont beaux. On ne s'ennuie pas. Naomi Watts est très convaincante et Watanabe fait une belle impression. C'est tout ce qui les entoure qui pêche. Au final, The Sea of Trees se révèle à moitié plaisant et à moitié décevant.

Quentin_Pilette
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le 4 mai 2016

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Quentin Pilette

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