À l'époque de sa sortie, on présenta ce film comme le récit d'une histoire vraie ! Mais il s'agit bien d'une adaptation non avouée (la première connue) du Dracula de Bram Stocker (1897). Murnau en a magnifié l'histoire grâce à un fascinant, saisissant jeu d'ombre et de lumière. Grâce aussi à un sens du détail et du présage, à des variations inspirées sur la présence-absence... Rien de mieux que l'expressionnisme pour créer des ambiances fantastiques, distiller la peur, voire l'épouvante. Un style hallucinant que les surréalistes ont adoré. Un style qui ne s'exprime pas ici uniquement dans des décors fabriqués et stylisés (sur le modèle du Cabinet du docteur Caligari), mais également dans des décors naturels, sous influence du cinéma suédois et de la peinture romantique du XIXe siècle. Les intertitres possèdent eux aussi une grande force expressive, empreints d'une poésie inquiétante. "Dès qu'il eut franchi le pont, les fantômes vinrent à sa rencontre..." Nosferatu, c'est par ailleurs un grand film érotique morbide, où la pénétration et le sang sont autant synonymes d'horreur que de plaisir. Nosferatu, c'est enfin (et surtout) Max Schreck, acteur mystérieux dont on ne sait pas grand-chose, puisque les films qu'il aurait tournés par la suite sont perdus ou invisibles. A-t-il seulement existé ? La légende dit que c'est un vrai vampire qui a joué devant la caméra de Murnau... Impossible, en tout cas, d'oublier son horrible physique émergeant des ombres d'un château gothique ou des brumes d'un port gagné par la peste.