Et si on arrêtait de se tailler des pipes ?

J'étais vraiment enthousiaste à l'idée de voir Old Boy, du cinéma sud-coréen, primé à canne, une histoire de vengeance bien sale, des coups de marteau, une mise en scène originale, bref le film parfais pour renforcer ma petite street cred de cinéphile et impressionner mon monde lors d'une discussion cinéma.


Cependant j'ai rapidement déchanté, et je pense que ma suspension volontaire d'incrédulité a explosé lors de la rencontre entre Lee Woo Jin et Oh Dae Su et le coup de la télécommande cardiaque.



  1. Un scénario moins probable que l'invasion martienne reptilienne.


La première et principale critique qu'on fait à Old Boy c'est son inscription dans le réel plutôt discutable :
Mettre 15 ans pour creuser un trou dans un mur, manipuler les gens sur des points très précis avec l’hypnose, devenir un super guerrier en tapant dans un mur à main nue, casser la gueule de 30 personnes en même temps mais subitement se faire humilier par le sosie d'eminem en version asiatique/karaté master sans réelle raison. Un vilain omniscient et capable de tout parce qu'il a de l'argent pour monter un plan farfelu.
Bref ça fait beaucoup à avaler spécialement les twists finaux du genre : "Mais non mec, en fait la télécommande c'était du bluff" "Mais non mec, en fait il s'est coupé la main parce que je l'ai acheté"


Si un film n'a pas forcément besoin d'être ancré dans la stricte réalité pour être appréciable, je ne comprend pas pourquoi Old Boy s’essouffle à vouloir tout expliquer scénaristiquement (GPS, Hypnoze, etc).



  1. La violence pour tous.


Old Boy filme une violence parfois crue et parfois stylisé mais jamais ne parviens à réunir les deux dans une même scène, pour un film qu'on dit subversif je trouve cela dommage. Quand un réalisateur tente de filmer une scène de violence crue et stylisé il tente de faire naître chez le spectateur un sentiment de dégoût et de fascination contradictoires. La scène du marteau et de la balle dans Drive, singing in the rain dans Orange Mecanique, c'est ludique et troublant à la fois.


La violence crue c'est quant Oh Dae Su s'improvise dentiste du prolétariat avec son marteau. Des gros plans biens gores ou on vois des parties du corps lentement se détacher du reste, bref de la barbaque qui nous fait plisser les yeux comme devant les films d'horreurs sans inspiration.


La violence stylisé c'est la violence jouissive, celle à laquelle on a envie de participer et qu'on tente de reproduire en jouant au cow-boys et aux indiens, c'est la violence des films de John Wayne et plus tard celle de Rambo.

Celle-là ou les gens meurent presque symboliquement en tordant leurs bouche bizarrement et en poussant le Cri Wilhelm. Dans Old Boy c'est typiquement la scène de combat dans les couloirs à un contre 30.


Bref je trouve dommage qu'on encense le réalisme et le style d'Old Boy alors que le film ne réunis jamais les deux dans une même scène, aussi je suis de plus en plus agacé par le pseudo crédit qu'on accorde a un film qui réunis musique classique et violence. C'est devenus un véritable cliché de réalisation depuis Kubrick.



  1. Oh Paul, c'est vraiment dégueulasse, mais j'aime ça.


J'ai lue que certains arrivaient à s’identifier au personnage d'Oh Dae Su, comment dire...
Oh Dae Su est un chien, tout dans le filme suggère plus ou moins grossièrement cet aspect :
Il renifle le suicidaire quand il sort de la valise, il n'arrive pas a maîtriser ses pulsions sexuelle et tente de violer Mi-Do, à la fin il se met a quatre pattes et se déclare chien de Lee Woo Jin.


C'est très difficile de s'identifier au héros quant il a un tel comportement, du début à la fin du film.
Dans Taxi Driver par exemple [Spoiler attention] la scène du cinéma pornographique vient casser la sympathie qu'on avait pour le personnage principal et on se rend compte qu'il est un véritable "Weirdo". Ici l'identification du spectateur au héros principal est brisé frontalement à la moitié du film.
Dans Old Boy j'ai personnellement beaucoup de mal a m'identifier au protagoniste principal du début à la fin du film, car il est représenté comme une personne complètement annihilé par ses sentiments (PDV très naturaliste).



  1. La vérité ! Comme si tu savais cexé. Comme si quelqu'un au monde savait cexé. Tout ça, tout ça c'est du bidon. Oui du bidon.


"Tel la gazelle de la main du chasseur, tel l'oiseau de la main de l'oiseleur, si tu veux vivre dégage toi" Oh Dae Su le dit explicitement, il n'est pas libre tant qu'il ne connait pas la vérité, il est juste dans une plus grande prison. Cependant quand il obtient enfin la vérité sur sa séquestration et que Mi-Do lui propose de s'enfuir, Oh Dae Su refuse et choisis la vengeance.
Et quand Oh Dae Su apprend l’autre vérité sur Mi-Do et sur la nature de leur relation, il se coupe la langue et demande (avant) à Lee Wo Jin de ne pas révéler la vérité à Mi-Do et celui ci accepte.
Pourquoi Oh Dae Su ne veut il pas que Mi-Do connaisse la vérité ?
Sans doute pour la protéger d'une vérité qu'il a eu du mal à encaisser me diriez vous.


Mais alors pourquoi ? Oh grand Pourquoi ? Oh Dae Su décide-il de rester avec Mi-Do alors qu'il sait qu'elle a été conditionné pour l'aimer.
S'il lui cache la vérité et reste avec c'est pour la protéger elle ?
Ou pour se protéger lui de l'éventualité qu'elle le quitte en apprenant la vérité ?



  1. La vengeance c'est mal et ça fait mal.


La vengeance, c'est ce qui rapproche Lee Wo Jin et Oh Dae Su, tout deux veulent se venger comme le rappelle très métaphoriquement Lee Wo Jin "le caillou et le rochet coulent dans l'eau de la même façon" tout deux vont couler dans leur quête de vengeance. Si Oh Dae Su est trop bête (dans tout les sens du terme) pour s'en rendre compte Lee Wo Jin le sait parfaitement. Il dit la première fois qu'il rencontre Oh Dae Su :
"Le désir de vengeance est un sentiment salutaire, seulement que ce passera t'il quand il sera assouvie, il y a des chances que la douleur resurgisse de l'abysse ou elle s'était caché"
Ce qui va se passer c'est que 90 secondes après sa vengeance Lee Wo Jin vas se tirer un balle dans la tête parce que faire des mots d'esprit c'est bien mais encore faudrait il les appliquer.
Le super vilain Lee Wo Jin n'a pas réellement de raison de chercher à se venger s'il sait lui même que la vengeance n'est pas salutaire, mais il faut bien un mobile au méchant non ?
Et le "pourquoi" de la vengeance que soulève Lee Wo Jin lors de la première rencontre avec Oh Dae Su est au final bien bancale.


Sans pousser la réflexion aussi loin, on se demande quelle est la légitimité d'une telle vengeance, si Oh Dae Su à peut être 17 ans, était loin d'avoir imaginé les conséquences de la rumeurs (fondée) qu'il allait soulever. Le considérer responsable est donc très discutable.


On se retrouve au final avec un fouillis philosophique et moral obscur, dans lequel le spectateur verra ce qu'il a envie de voir. Un film qui se veut tellement culte qu'il en devient une caricature. Rajoutez quelques travelling de caméras qui pausent l'action, de la violence, des citations biblique hors contexte, l'oeuvre trouvera bien son public.

Goh75
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le 3 janv. 2015

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Goh75

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