Pour son avant dernier long métrage, Quentin Tarantino pousse encore un peu plus loin le curseur de sa déclaration d'amour immodéré à l'age d'or du cinéma, de la série tv, de ses "héros" et d'une période charnière pour Hollywood qui l'a indéniablement marqué en temps que cinéphile.


A travers les yeux de Rick Dalton, Cliff Booth et Sharon Tate; l'on ressent qu'il s'agit de l'Hollywood des années 60 vu et ressenti par le jeune Quentin lui-même. Il s'efforce de nous dépeindre Los Angeles tel qu'il l'a vécu lorsqu'il y a emménagé (et sa boulimie de Westerns).
Que ce soit par les nombreuses affiches de cinéma,les néons,les drive-in,les panneaux publicitaires, par la retranscription de moments télévisuels tout y est montré sous le prisme de la passion plus que de l'ultra réalisme sociétal.
Oh, vous croiserez bien au détour d'un feu rouge une ou deux hippies détestant les flics mais l'essentiel du récit n'est pas là. Aucune ou peu d'évocations sur cette ère de la "Révolution" (Woodstock, Kennedy,le Vietnam, Les premiers hommes sur la Lune...) en vue.


Tout ici est cloisonné, dans une bulle fictive se concentrant principalement sur un conte cinématographique fantasmé par un môme cinéphile de 10 ans ayant grandit depuis,un "What if Sharon Tate..." (et ses amis)


échappaient à "la famille" de Charles Manson.


via le prisme de la caméra. Tantôt 4/3, tantôt cinémascope.


Bien que le métrage ne soit pas chapitré comme souvent, on peut distinguer 3 Actes.


Acte I.
L'age d'or d'Hollywood, la mode des westerns,un descriptif de la façon d'appréhender le métier d'acteur à l'époque,de la façon de filmer et avec quel matériel.
Rick Dalton est un acteur en pleine crise identitaire, le vent tourne, une nouvelle flopée de jeunes nouveaux changent la donne de part leur approche et il va falloir ne plus s'accrocher à des idéaux venant de la décennie précédente pour arriver à monter dans cette diligence qui part sans lui.


Sharon Tate incarne cette nouvelle vague, ces nouveaux acteurs prometteurs qui remplaceront peu à peu l'ancienne génération.
Trudi, jeune et prometteuse actrice sera la voix de la rédemption et montrera la marche à suivre pour y arriver.


Acte II.
Les dérives d'Hollywood, la révolution "flower power",la libération sexuelle, la montée de la violence...
Cliff Booth est un ancien soldat reconverti en doublure cascades au passé non clairement défini.


Si son ami Rick Dalton mène la grande vie et veut "le rêve américain" (posséder maison, voiture, femme, argent et la gloire), Rick est son double négatif (il vit très sobrement, n'a pas à proprement parlé de chez lui et se contente de cachetonner dès qu'il le peut pour se payer bière,loyer et bouffe pour chien)
Leur approche du métier du cinéma est elle aussi diamétralement opposée : Si Rick se la joue pro mais au final sonne faux, c'est qu'il picole pendant qu'il apprend ses notes, ne sait jamais ou se rendre sans que l'on lui dise, oublie régulièrement son texte et pourtant ne sera jamais autant inquiété que Cliff qui pourtant se la joue modeste, arrive à l'heure, est toujours présent pour répondre aux exigences, son "ami employeur" et pourtant peu considéré par l'industrie qui l'emploie.


(A peine salué par Schwarz à l'entretien, détesté par l'équipe technique des studios)


On ne verra "jamais" (hormis justement ce petit plan de la flèche en arrêt sur image) Cliff faire son travail et être reconnu pour son talent, pourtant démontré lors d'un combat contre Bruce Lee,lorsqu'il décide de piloter un peu son bolide rouillé quand il rentre et d'un peu de parkour pour accéder à un toiture)


Mis au chômage technique par sa rixe avec un petit dragon drôle mais caricatural,


C'est toute la fin de cet acte qui mettra en place tous les éléments clefs de l'Acte III. Le western devient urbain et la "réalité" laisse place à la "fiction"


lorsque Cliff ayant flairé les ennuis, se retrouve piégé dans une situation qu'il tente tant bien que mal de garder sous contrôle.


Le métrage se permettra ces apartés pour décrire les faits : les lieux sont ceux des vrais événements. Cielo Drive et les maisons du quartier de Polanski/Tate, Le Ranch Spahn, les nombreuses adeptes formant la famille Manson (dont Tex, Patricia et Susan). Une dose de réalité en guise de petit électrochoc, pour se jouer de nous en sortant le spectateur du récit pour mieux l'y réintégrer par la suite.


Acte III.
Tarantino Land. Conclusion de l'histoire. Un build-up se met en place et Quentin nous réserve une longue et intense montée en puissance qui aboutira sur une scène d'une inextricable violence à la nuit du 9 Août 1969.


Le "What if" substitue les faits (Tex Patricia et Susan ne se rendront pas au domicile de Sharon Tate, ne tueront personne, ne repartiront jamais sans encombres de la maison après les meurtres.
Non, ici, Quentin Tarantino laisse libre court à son imagination et offre "une fin heureuse", réécrit l'histoire dans un final mélangeant mexican stand-off gore à la reservoir dogs/inglorious basterds et humour noir via des éléments qu'il avait glissé tout du long (l'étiquette de la bouffe pour chien,le lance flammes,les aptitudes physiques de Cliff).
Le conte filmique se termine sur "un happy-end" : Les méchants en ont pris plein la tronche et meurent, Sharon est toujours enceinte et accueille un Rick plus soucieux d'élargir son réseau social pour prolonger sa carrière plus qu'à aider sa femme à surmonter cet événement.


Ils vécurent (presque) heureux, eurent beaucoup d'enfants,de rôles,d'argent,de crise de foie et de cancers des poumons.


Le film nous laisse alors sur cet entre-deux d'euphorie et de mélancolie, sur ce qui aurait pu/du être.


Fin.


Épilogue :
Tel un Rick Dalton buvant un peu trop de margaritas, les vieilles habitudes de Tarantino sont toujours présentes : Il prendra plaisir à s'auto citer/parodier/faire des clins d’œil à diverses reprises


(Rick tuant des Nazis depuis un balcon,le big kahuna burger sur un bus,le même type de carrelage mural présent dans Jackie Brown dans l'intro du film...)


à jouer des codes pour styliser son récit


(Rick se menaçant dans un miroir et son reflet nous menaçant nous spectateurs,Margot Robbie regardant un film de Sharon Tate,Rick incrusté dans de réels épisodes de séries tv,les scènes de tournages dans le saloon étant à priori vues du point de vue du spectateur (le vrai,nous) mais aucune équipe de tournage n'est visible pendant que la caméra tourne et n'apparait par magie qu'en fin de prise,du split screen très "pulp"...)


à faire du foot fetish à fond les ballons, à soigner les détails via une gestion de la colorimétrie,des contrastes, des morceaux de musique aux petits oignons.


Au final ce Once upon a time... in Hollywood est peut-être son film le plus personnel. Posé comme un Jackie Brown, Bavard et porté sur la pop culture de son enfance comme un Reservoir Dogs,débridé dans l'action gore comme un Boulevard de la Mort; ce film synthétise et définit à lui tout seul tout le cinéma de Tarantino, tout ce qu'il peut dire sur le sujet.


Quel sera maintenant le point final de sa carrière cinématographique ? (Son 10ème et dernier film avant de partir vers la série TV et le théâtre)
Qu'aura-t-il de plus à dire qu'il n'a pas déjà dit ici ?


Un film qui sera à n'en pas douter analysé au fil du temps, un million de fois, sur un million de détails.


-"That's it, That's our defense !"
-A Twinkie ???"

(Extrait de "Le plus fou des deux"/"Trial and Error".Charles Manson préparant son procès pour meurtres)

Vilou
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le 18 août 2019

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