Enfant, j'étais amoureux de Sharon Tate. Je ne me lassais pas de l'admirer dans le bal des vampires. Je la trouvais si belle et émouvante dans sa robe rouge, dansant avec le comte Von Krolock au milieu d'une foule de vampires dont elle devait être le festin... J'ignorai alors qu'elle était morte bien des années avant ma naissance, de façon si tragique. Je me souviens encore du choc que j'ai ressenti lorsque je connu son histoire. Étrange d'être à ce point bouleversé par un événement survenu à une époque où je n'étais même pas encore né.


Dans Once upon a time in Hollywood, Quentin Tarantino semble offrir à l'Amérique le fantasme de régler son compte aux assassins de Sharon Tate, par l'intermédiaire de deux anti héros justiciers, acteurs et cascadeurs de film de western sur le déclin. On y retrouve la marque de fabrique tarantinesque : hommage aux films de série B qu'il affectionne, gros plans sur les pieds de jeunes femmes (ceux de Margot Robbie sur un siège de cinéma et de Margaret Qualley sur le pare-brise de la voiture) et surtout de séquences bavardes (qui deviennent souvent cultes) qu'alternent des scènes d'ultra violence (non moins cultes) menées par un duo de choc, formé ici par Léonardo Di Caprio et Brad Pitt (quoique celui de Brad Pitt et de la chienne n'est pas mal non plus). On se rappelle celui que formaient Samuel L. Jackson et John Travolta dans Pulp fiction ou encore Samuel L. Jackson et Robert De Niro dans Jackie Brown.


Le titre du film donne le ton (clin d’œil à Sergio Leone) : on est ici dans le monde du western : en toile de fond celui des années 40/50, qui fit de Rick Dalton une star, aux "westerns spaghettis" qui vont l'aider à survivre, que Quentin Tarantino va mettre à la sauce sixties : Cliff Booth (Brad Pitt) et Rick Dalton (Di Caprio), artistes de seconde zone à la dégaine de cowboy, y affrontent les hippies du Los Angeles de l'été 1969. La séquence au Spahn Ranch qui oppose Brad Pitt aux membres de "la famille" (bruit du vent qui souffle dans le désert et musique hitchcockienne) est particulièrement oppressante et bien menée.


Le dénouement final surprend, bien sûr.


Tarantino montre que le cinéma a le droit de tout faire, de réécrire l'histoire si cela lui chante en faisant fi de la réalité. C'est d'autant plus inattendu que l'on sait d'avance, en principe, comment cela va se terminer. Le meurtre de Sharon Tate plane comme une ombre tout au long du film pour finalement... ne pas se produire. Le tragique bain sanglant redouté vire à la farce ultra violente propre au cinéma de Tarantino. On se surprend même à en rire, tant c'est exagéré, quant on s'attendait à avoir la gorge serrée. L'outrance l'emporte sur l'horreur.


Quentin Tarantino a 6 ans au moment des faits. A-t-il su quelque chose à l'époque ? Il admira plus tard le jeu de Sharon Tate, notamment dans The Wrecking Crew (sorte de parodie de James Bond), qu'il met à l'honneur dans son film. L'atrocité dont elle fut victime ne l'a sans doute pas laissé insensible. Dans cette fin tragi-comique, il règle ses comptes de manière jubilatoire. Quiconque aura été saisi d'effroi par les meurtres des 9 et 10 août 1969 ne peut que se régaler de voir Tex Watson se faire bouffer les couilles par un molosse ou encore Susan Atkins être carbonisée au lance-flamme (celle qui tua Sharon Tate enceinte de plusieurs coups de couteau après qu'elle l'ait suppliée de l'épargner et qui par la suite ne manifesta jamais aucun regret ni remords). Mention spéciale pour Austin Butler et Mikey Madison qui interprètent ces deux personnages de manière très flippante.


Condamnés à mort à l'issu d'un des plus longs procès de l'histoire judiciaire US, leur peine se verra commuée en détention à vie lorsqu'en 1972 la peine de mort sera abolie en Californie. Sans remettre l'abolition en question, Tarantino semble filmer le châtiment que dans ses cauchemars les plus fous, notre instinct bestial et primaire aurait réservé aux coupables. Preuve de l'effroi qu'à suscité ces tueries aux Etats Unis, aucune remise de peine ne sera jamais accordée aux assassins (à l'exception de Steve « Clem » Grogan, celui qui se fait dérouiller par Brad Pitt pour avoir crevé son pneu, jugé déficient mental). Ceux qui n'y sont pas morts sont toujours en prison actuellement.


Et n'est pas sans émouvoir


(Sharon Tate et Jay Sebring encore en vie à la fin du film. On imagine la vie qu'ils auraient pu avoir. En 1969, Polanki et Sharon Tate étaient le couple le plus envié d'Hollywood, jusqu'à ce que l'horreur leur tombe dessus)


Beaucoup de bonnes raisons, donc, pour les amateurs de Tarantino d'aller voir ce film (qui touchera peut-être moins le public français que le public américain qui garde en mémoire les événements tragiques des 9 et 10 août 1969), auxquelles on peut ajouter la prestation de l'ensemble du casting (chienne comprise) ainsi que la bande originale sixties à souhait (Simon et Garfunkel, Neil Diamond, Los Bravos, Deep purple). Sans oublier le plaisir émouvant de voir à l'écran la véritable Sharon Tate (dont Hollywood célèbre ce mois-ci le 50e anniversaire de sa mort) le temps d'une projection de The Wrecking Crew.


Et aussi la joie jouissive de contempler Bruce Lee se prendre une raclée^^.


Un regret : Margot Robbie, sous employée (peu de répliques, peu de scènes marquantes), se faisant quasiment voler la vedette par Margaret Qualley (auto-stoppeuse hippie effrontée et candide) ou Julia Butters (actrice de 8 ans donnant des leçons d'interprétation à Léonardo DiCaprio), voire Dakota Fanning, flippante à souhait en "gardienne du temple" qui soutient sans se démonter, yeux dans les yeux, le regard de Brad Pitt, prêt à lui en coller une si elle ne le laisse pas passer. Même la chienne Robbie, avec deux scènes mythiques, s'en sort mieux qu'elle niveau scénar.


Loin du glamour et des idoles (à l'exception de la séquence qui se déroule au très chic Playboy mansion), Tarantino décrit ici le Hollywood des séries B, des drive-in, des acteurs vieillissants, des fanatiques illuminés et des jeunes actrices en devenir, où se croisent Polanski et Charles Manson, Bruce Lee et Sharon Tate, Steve Mc Queen et Jay sebring (le coiffeur des stars), Lynette "Squeaky" Fromme (celle qui tenta d'assassiner le président des Etats Unis, Gérald Ford) et George Spahn (éleveur qui loua son ranch pour des tournages de western avant d'y héberger la secte "La famille" en échange de faveurs sexuelles), dans une ambiance tantôt power flower, tantôt duel au soleil digne de Sergio Leone. Du bon cinéma.

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le 15 août 2019

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Floridjan

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