Comme une orange mécanique à la place du coeur

A l'heure où je rédige cette critique, Senscritique compte près de 300 écrits sur Orange Mécanique, autant dire que je ne vais pas prendre la peine de raconter l'histoire du film, d'expliquer les sous-entendus, de montrer la symbolique, de faire état de l'aspect révolutionnaire, du contexte social, etc ...
D'autres l'ont fait avant et bien mieux que moi. Si vous voulez vous renseignez la dessus (et vous le devriez), allez y, il y a de la matière.

Je vais donc, pour une fois, réaliser une bien petite critique histoire de donner mon ressenti totalement personnel vis à vis du film.
J'ai adoré.
J'ai adoré le style Kubrick encore à l’œuvre. J'adore quand ce type nous met en avant un énorme fils de p*te dans le rôle principale et que suite à la narration et à la réalisation, on se prenne d'affection pour lui. Alex n'est pas le héros de ce film, il ne se bat pas contre un système qui tue sa liberté. Il n'y a pas de héros dans ce film, il n'y a que des bourreaux. Tous sont des monstres, tous sont des sadiques. Alex c'est juste le seul artiste de ce film, le seul capable de regarder le mal dans les yeux et d'en sourire. Là où les autres accomplissent le mal avec dédain, Alex, lui, est un artiste d'un genre nouveau qui irait volontiers donner des cours à un Belzebuth en manque d'imagination.
J'ai adoré l'esthétisme du film. Ces décors totalement dingues et ses costumes qui le sont tout autant. J'ai adoré qu'on puisse se croire dans le monde normal par moment et que à d'autres, on a l'impression que tout est changé. Visuellement ce film est très beau. Les décors ont une âme, sans nul doute l'esthétisme de ce film est particulièrement marquant.
J'ai adoré la bande-son, mais bon, avec Beethoven, je pense que le risque était minime.
J'ai adoré les plans, les cadrages, de Kubrick qui te fait une vraie leçon de cinéma à chaque scène. C'est incroyable comment plus d'une scène apparaît comme dénué de force, de volonté, de puissance si on enlève la technique du maître. Le repas chez l'écrivain est un bon exemple d'une parfaite maîtrise des cadrages ET du rythme scénaristique. En effet, la tension qui retombe petit à petit pour que d'un coup on voit que le scénariste s'est joué de nous. Et ses angles, ha mon dieu, ses angles. Kubrick fait parti de ces rares réalisateurs qui, à chaque angle de vue, provoque en moi un vif émoi.

Pour autant, je suis très loin d'avoir tout aimé dans ce film.
Globalement la critique sociale m'est largement passé au-dessus. Je pourrai rédiger 20 pages pour l'expliquer, mais je l'ai dit, je vais essayer d'aller à l'essentiel. En gros, en 1971, c'est révolutionnaire au possible, soyons d'accord. La critique est bien réalisée, ça je ne dis pas le contraire. Elle touche, c'est le cas aussi. Mais simplement, aujourd'hui ce genre de dénonciation du "la paix plutôt que la liberté" est bien connu. Quand on a grandit comme moi, avec certaines références, ba ça ne surprend plus. Je ne renie nullement le talent de la critique qui offre de très bonnes scènes au film. Je souligne simplement que ça m'a moins touché.
De la même manière, si j'ai été totalement séduit par toute la première partie, après la libération d'Alex, le film perd nettement en intérêt. Déjà parce que Alex devient une poupée de chiffon, n'ayant plus aucun charisme, aucune puissance, étant vide, certes, mais en plus inintéressant (intérêt qu'il ne retrouve que dans la dernière scène ... C'est à dire quand il est guéri). Mais surtout, il y a un côté "fatum" à chacun de ses actes qui m'a nettement ennuyé. On ne nous laisse pas voir Alex de retour dans la société, mais on réalise une sorte de running gag où il se confronte aux éléments de son passé, les uns à la suite des autres d'une manière trop grossière à mon goût.

Tout le débat moral est évidemment très intéressant. Notamment les interventions du prêtre qui sont à souligner. Mais la critique politique, qui n'apparaît pas immédiatement dans la seconde partie du film, est, à mon sens, plus engagé qu'engageante. Elle ne m'a guère touché et surtout elle n'a pas suscité en moi un vif intérêt et n'a pas été source d'un plaisir cinématographique (alors que l'intervention sur la question du "droit à la violence", ça c'était plus intéressant).
Une grande partie du film (environ 40 minutes) reposent uniquement sur l'incapacité d'Alex a agir, mais au lieu de nous montrer son inaction, on souligne que tout lui tombe dessus sans se concentrer réellement sur lui. Alex dont la connerie est monumental vu l'air qu'il sifflote lors de son bain.

Malgré tout, une fois le film finit, j'ai remarqué que "Sing under the rain" était devenu très "maléfique" dans mon esprit et que l'esthétisme du film m'avait marqué.
L'omniprésence du sexe, notamment, n'est jamais gratuite et joue à cet atmosphère si particulière. Une atmosphère non pornographique mais bien malsaine, à l'état pur. Le début du film donne le ton : welcome in hell !
mavhoc
8
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le 27 nov. 2014

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mavhoc

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