Trois ans après 2001, Kubrick clôt sa trilogie d'anticipation avec ce film culte, acclamé et hué depuis quarante ans.

Si Orange Mécanique a choqué des milliers de spectateurs par son "ultra-violence", il faut admettre que cette dernière n'est plus d'actualité (en ce qui concerne les méfaits du héros du moins). Kubrick était-il devin ? Toujours est-il qu'aujourd'hui les infos de 20 heures nous offrent des images bien plus terribles. Le film perd donc de sa puissance provocatrice avec l'âge.

Pour continuer dans les défauts (légers), l'esthétique assumée ici par le réalisateur ancre le film dans son époque, chose rare dans le cinéma kubrickien. Orange Mécanique accuse son âge, et tout cela semble de nos jours assez kitsch et peut faire sourire.
De même, la photographie, qui était exceptionnelle dans 2001 et le sera dans Barry Lyndon, enveloppe le film d'un flou très seventies, ce qui, encore une fois, ne le rajeunit pas.

Bon, les défauts c'est fait, passons aux qualités.

Je rappelle qu'il s'agit de Stanley Kubrick derrière la caméra : l'homme sait ce qu'il fait, et il le fait bien. Toujours avec ce côté observateur distant et silencieux, le réalisateur nous dépeint une dystopie convaincante grâce à son souci du détail, ainsi que des décors et des costumes soignés.
Quant au propos, on a longtemps perçu le film comme effrayant et dérangeant, mais il apparait aujourd'hui comme une comédie noire. Entre les visages tordus, les situations absurdes et les personnages loufoques, on est plus proche de Brazil que de Shining. Bourré d'ironie jusqu'à la moelle, Orange Mécanique se veut plus une fable cynique qu'une oeuvre d'anticipation sérieuse. Le seul élément effrayant (car envisageable) demeure le traitement expérimental dont est victime le héros. Mais, à l'inverse de Brazil (qui s'inspire de tout le deuxième acte) tout finit bien pour le héros dans un retournement final grinçant, et c'est avec un grand sourire aux lèvres que l'on assiste au générique de fin.

Au final, malgré ses rides, Orange Mécanique garde la force de son propos, véritable volée de bois vert contre un système corrompu. Malcolm McDowell est inoubliable dans le rôle d'Alex, la musique est comme toujours superbe, et Kubrick égal à lui-même, mordant et prodige.
dauphin_discret

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7

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