Camps de concentration de la République

Ce remake de la version de 1973 présente certes une mise en scène plus dure, actualisée, avec des héros plus réalistes en respirant moins de noblesse, incarnés par Charlie Hunnan et Rami Malek, heureusement suffisamment convaincants pour ne pas être ridiculisés par Steve Mac Queen et Dustin Hoffman. Même s’il reste plaisant à regarder, la seule notion qui m’en reste c’est à quoi bon ? quel intérêt ? d’avoir réécrit le même film, sur la même période, appauvri d’encore plus d’amputations par rapport au roman.
Il met peut-être un peu plus l’accent sur la sauvagerie, la torture et la malhonnêteté de ces véritables camps de concentration Français. Fonctionnaires, prisonniers et même civils sont décrits sans concession ni romance, ce qui les rend sans doute plus authentiques que dans l’ancienne version, encore que le livre témoigne qu’on est encore très loin de la vérité en matière de cruauté, de deshumanisation et de souffrance dans les torturoirs d’Etat. Il mise aussi beaucoup plus sur l’amitié et la complicité entre les deux hommes et sur sa longévité, où encore plus de libertés ont été prises. Enfin, le souci pertinent de ne pas bâcler le spectacle par des agitations abrégées oblige à réduire la narration et à ne mettre en scène que seulement trois épisodes d’évasion.
A quoi bon assister à juste quelques segments des mésaventures absolument incroyables du bagnard Henri Charrière, surtout quand ça a déjà été fait avec plus de brio ? Quid de ses épreuves abominables en Guyane, au Surinam, en Colombie, en Amazonie ou dans les villes, villages et tribus rencontrés, dans plusieurs iles caribéennes françaises comme anglaises, des mœurs, des trafics, des boulots, dans ses tribulations jonglant entre les polices des différents pays aux accords versatiles selon les années, des variances de barbarie rencontrés dans les multiples camps d’internement, et surtout bien sûr des autres incalculables évasions et recaptures qui ponctuèrent pratiquement toute sa vie, jusqu’à recouvrer sa liberté et son droit de revenir en France bien des décennies plus tard ?
Même si la part romancée brouille la part véridique, il y avait ici matière à faire une œuvre grandiose sous la forme d’une trilogie comme on sait si bien les faire aujourd’hui, complète, bouleversante et riche d’enseignements et d’aventures, qui aurait probablement enterré la première version. Ben non, on a préféré répéter bêtement et en pire ce qu’on avait déjà vu il y a il y a 45 ans. Même si ça se regarde, il s’agit à mes yeux d’un énorme loupé cinématographique.
etiosoko
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le 18 déc. 2018

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