Paradis : amour n'est pas un film sympathique. A l'instar de son compatriote Haneke, le réalisateur Ulrich Seidl ne nous ménage pas avec cette histoire de misère sexuelle et d'esclavage moderne.
Teresa est une femme d'une cinquantaine d'années, mère célibataire qui élève sa grande fille et qui s'occupe de malades mentaux (les premières images qui nous donnent cette information nous assurent d'ailleurs que le film ne sera pas agréable).
Teresa rejoint une amie dans une station balnéaire kenyane, seule... loin de ses obligations de mère, elle redevient femme. Sous le soleil kenyan, l'amour et le sexe semblent plus accessibles, son corps et son âge pourraient ne plus être des problèmes... sauf que cet amour-là, ici, il se monnaye.
Parfois caricatural dans sa façon de confronter ses personnages, ce film n'en est pas moins réaliste : le racisme ordinaire (immonde scène du bar), la réalité sordide du tourisme sexuel et les raisons qui poussent ces garçons à se prostituer, le besoin d'une femme qui a vieilli trop vite de se sentir aimer, la pseudo supériorité européenne à l'arrière goût de colonialisme... beaucoup de choses sont montrées dans ce film, parfois de façon burlesque, parfois avec un réalisme qui fait froid dans le dos.
Certains passages, très longs, sont d'autant plus désagréables, à l'image de cette scène d'anniversaire qui tourne rapidement à une sorte de gang bang inversé que l'on regarde un peu gêné.
Beaucoup de corps nus souvent magnifiés (très beaux plans de Teresa, allongée nue sous la moustiquaire) et des images magnifiques (très beau plan final) nous montrent que le réalisateur autrichien fait preuve d'une maîtrise totale de sa mise en scène.
Au-delà de la misérabilité du propos, ce film nous interroge aussi sur le désir sexuel. Qu'est ce qui pousse ces femmes à en arriver là ? Comment en est on arrivé à ce que l'affection et le cul soient devenus des produits de consommation ?
Paradis : amour m'a pas mal chamboulé, il ne juge pas, il n'est pas manichéen comme il a été dit parfois... il questionne.
Il serait aussi injuste de ne pas saluer la performance de son actrice principale : Margarete Tiesel qui semble s'être complètement abandonnée dans son rôle.
Une oeuvre âpre qui s'inscrit dans une trilogie instaurée par son auteur.
Prochaine étape Paradis : foi... qui ne s'annonce pas plus réjouissant.

Créée

le 16 janv. 2013

Critique lue 546 fois

4 j'aime

Heavenly

Écrit par

Critique lue 546 fois

4

D'autres avis sur Paradis : Amour

Paradis : Amour
Courte-Focalefr
2

Critique de Paradis : Amour par Courte-Focalefr

On l’avoue sans honte, il y a bien un plan sidérant qui vaut le détour dans Paradis : Amour. On y voit une frontière délimitée entre deux parties d’une plage du Kenya, l’une avec de riches visiteurs...

le 29 janv. 2013

8 j'aime

Paradis : Amour
BenoitRichard
7

de l'amour au Kenya

"Paradis: Amour" montre clairement et de manière très directe l’exploitation réciproque des touristes européens par les africains et inversement. Dans une mise en scène très léchée, composée des...

le 28 mai 2012

7 j'aime

1

Paradis : Amour
pierreAfeu
9

Critique de Paradis : Amour par pierreAfeu

Comment aborder la sexualité au cinéma, surtout lorsqu'elle ne répond pas aux critères moraux et esthétiques imposés ? De quelle manière expose-t-on les corps, que doit-on montrer ? Quid du désir ...

le 15 janv. 2013

6 j'aime

Du même critique

Alps
Heavenly
7

Critique de Alps par Heavenly

Alps est sans doute le film le plus étrange et le plus terne vu depuis longtemps. Alps est un film d'ambiance qui navigue entre poésie macabre et absurdité des situations. Pas exempt de défauts, il...

le 16 avr. 2013

12 j'aime

3

Les Salauds
Heavenly
2

Critique de Les Salauds par Heavenly

Bien qu'il dispose d'un couple d'acteurs que j'apprécie particulièrement, Vincent Lindon et Chiara Mastroianni, ce long-métrage de Claire Denis ne m'a pas emballé du tout... Les salauds est un film...

le 10 août 2013

9 j'aime

L'Étrange couleur des larmes de ton corps
Heavenly
9

Critique de L'Étrange couleur des larmes de ton corps par Heavenly

Après en avoir découvert l'affiche sublimissime et son titre mystérieux, ce 2e long-métrage du duo Cattet/Forzani (Amer) m'a complètement envoûté. Hyper référencé (trop diront les puristes), ce film...

le 4 nov. 2013

7 j'aime