On se souviendra longtemps du visage de Nastassja Kinski pimpante et subitement fascinante dans son

La Palme d’Or de 1984 commence comme un road-movie, au milieu du désert texan, puis prend ses aises dans la banlieue de Los Angeles, avant de repartir sur les routes. Les personnages se creusent, évoluent sans pour autant céder à toute facilité scénaristique. Des conflits muets et intérieurs se créent, qu’en est-il du couple qui a vu grandir l’enfant, à l’heure où son père revient ? Wim Wenders ne filme pas ses héros comme des bestiaux désirants chacun leur part mais pose un regard humain, dans cette œuvre où chacun tente, avec toute la bonne foi possible, de cohabiter ou comprendre l’autre, en vain. Cette barrière entre les êtres qui persiste, c’est celle que nous retrouvons lorsque Travis téléphone à une hôtesse qui ne peut le voir à travers la vitre, dans un peep-show aux décors kitsch et grotesques. Un mal-être est enfoui en chacun des protagonistes, chacun ayant sa propre façon de l’accepter ou le combattre. On reprochera parfois au scénario cette linéarité légèrement décousue, qui est à l’image de son héros, las et marqué par les années. Mais cette longue route n’est pas nécessairement synonyme d’ennui et se révèle au fur et à mesure nécessaire à l’intrigue. La route, le temps qui passe, les gens qui changent, Paris Texas transporte avec lui sa mélancolie de l'Homme dépassé par ce temps et ses changements.
Si l’une des forces de l’œuvre réside dans les décors, symboliques de l’état d’esprit des personnages, l’image tout entière est un véritable délice. Les éclairages et cadres travaillés font de chaque plan un tableau, peut-être d’Hopper, cet homme qui savait si bien représenter la solitude dans l’Amérique moderne. Les couleurs électriques, les néons des villes, cet urbanisme tristement multicolore et les couleurs saturées du désert, sous lesquelles brulent Travis, sont à la fois passion et désillusion, le tout accompagné des célèbres accords mélancoliques de Ry Cooder.
C’est un drame intérieur qui se déroule sur ces terres arides, un drame parce que les personnages ne parviennent pas à communiquer, à exprimer leurs sentiments. Ils deviennent violents, hostiles et se détruisent malgré eux. On se souviendra longtemps du visage de Nastassja Kinski pimpante et subitement fascinante dans son pull rose, derrière celui de Travis, marqué par les années.
Paris, Texas est une œuvre forte, contemplative, qui n’a pas vieillie et continue d’inspirer encore les cinéastes d’aujourd’hui, tant bien par son esthétique que par ses thèmes. Un chef d’œuvre.
mnfrankenstein
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le 22 août 2014

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