Joe Paterno. La simple évocation de ce patronyme aux Etats Unis fait ressortir de multiples émotions. La fierté des champions puisqu'il est le vainqueur parmi les vainqueurs dans le monde du foot américain universitaire. Jugez plutôt le bonhomme et son bilan à la tête des Penn State Nittany Lions de 1966 à 2011 : 409 victoires (recordman de l'histoire) pour 136 défaites et un palmarès de 24 victoires pour 12 défaites en matches de playoffs. Un monstre sacré. Un Guy Roux en infiniment plus grand.


Evoquer JoePa, pourtant, c'est aussi évoquer le scandale qui émailla la fin de sa carrière, précipita sa retraite et le fit passer aux yeux d'une certaine frange de ses concitoyens comme le complice d'un prédateur sexuel.
C'est cette période de sa vie que HBO et Barry Levingston décident de porter à l'écran dans ce long métrage que je n'attendais pas mais qui a d'ores et déjà le mérite d'apporter un certain éclairage sur cette affaire résolument américaine et méconnue dans nos contrées.


Campé par un Al Pacino convaincant dans le rôle mais moins dans sa capacité à transmettre des émotions de par son jeu d'acteur, il ne pouvait en fait en être autrement. Joe Paterno, c'est le rital-américain, c'est Brooklyn, son accent caractéristique, son caractère bourru et bienveillant à la fois, bref, c'est Al Pacino.


Sans porter de critique sur les seconds rôles relevant plutôt de l'anecdotique qu'autre chose, l'écran est accaparé par les faits et gestes de Pacino, rendant l'ambiance convaincante quand on sait et qu'il est répété que Joe Paterno faisait office de demi-dieu dans son université. Plus qu'un coach de foot US, il est présenté à raison comme un philanthrope et un éducateur. Car plus que de manager une soixantaine de jeunes par saison, il fut et inculqua à des dizaines de générations des valeurs et principes de vie sains. Il transforma le programme football de Penn State en machine à former non pas des joueurs pros mais des jeunes gens accomplis, avec un taux de sortie d'études avec un diplôme supérieur à 80%, sans distinction de milieu social ni d’ethnie, ce qui relève d'une anomalie dans le milieu du foot universitaire. Cette forme d'hommage qui lui est rendu est le bienvenu, surtout dans une affaire de scandale sexuel.


Portée par la charmante Riley Keough (petite fille d'Elvis Presley pour l'anecdote) dans le rôle de Sara Ganim, journaliste d'investigation et future gagnante du Pulitzer, on pourra par contre reprocher à la trame qui mène au scandale sexuel et aux événements du film d'être un peu brouillonne si l'on est pas familier de l'affaire.
Dans la veine d'un Spotlight ou The Post, les thrillers journalistiques semblent avoir la cote récemment, et la clarté du propos ainsi que la mise en scène de l'enquête journalistique constituent un élément central, à mon sens, de la réussite d'un film de ce genre.


Dans Paterno, dont l'intrigue s'étale sur plusieurs époques mais surtout sur la semaine où le scandale en question a été porté au public, il ne se passe pas grand chose au final et là réside le problème. L'affaire s'ébruite après des années de silence, la machine judiciaire se met en branle mais pour autant, jamais la mise en scène des événements ne parvient à captiver. Le manque de contenu sur l'affaire est criant car outre les pérégrinations de la journaliste, rien ne vient apporter d'élément de rebondissement.
Ceci apparaît d'autant plus clairement que le principal accusé que l'on ne rencontrera que via des flash backs ne s'exprimera jamais et que la question juridique qui se pose dans l'affaire ne tient qu'au fait de savoir si Paterno et le staff de l'université présent à l'époque des crimes sexuels ont manqué à leur obligation morale en dénonçant les crimes trop tard ou en les passant sous silence.


Ainsi, Joe Paterno n'est même pas directement cité ni témoin dans l'affaire, les médias essayent de lui tirer les vers du nez car après tout, le vrai boss, c'est lui. Simplement, en 2011 lorsque l'affaire est rendue publique, JoePa a 84 ans et il est fatigué. Et puisqu'il n'est pas directement cité dans l'affaire, personne du coté universitaire ne le laissera s'exprimer, entraînant ainsi sa chute. La seule chose dépeinte avec un certain intérêt est la guerre financière et politique à laquelle se livrent les responsables des universités américaines, ce qui est concevable au vu de l'argent brassé par ces programmes chaque année.


C'est en définitive une déception de demeurer avec l'impression de ne connaitre que la surface d'une affaire qu'un film se donne pour mission de traiter. Déception tout de même masquée par le personnage éponyme et la journaliste tous deux plus que convaincants.
Entre émotion, enquête et machinations de responsables universitaires, le film se cherche sans trouver sa place et ne rentre pas assez dans le vif du sujet là où il aurait parfois été essentiel de le faire.


Retenons tout de même une fidélité quasi parfaite aux événements réels et une émotion bien amenée au moment de penser aux victimes que tous les acteurs de l'affaire semblent avoir oublié du fait de la seule présence de Joe Paterno dans le scandale.
De cette victoire pour l'histoire contre Illinois qui ouvre le film au diagnostic pessimiste sur l'aggravation de la santé du vieux sage qui le clôture, on ne pourra que saluer la dévotion du coach pour ses joueurs et sa volonté de toujours leur apporter dans la vie et non seulement dans le football.


Le débat reste par contre ouvert et risque de le rester longtemps quant aux malversations commises par les programmes sportifs universitaires afin de toujours engranger du profit.


Je vous l'ai bien dit, une vraie histoire américaine quoi.

Ol-Pao
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le 11 avr. 2018

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Ol Pao

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