Souvent dépeint comme une ode à la beauté du quotidien, Paterson m'est surtout apparu comme un questionnement existentiel, dont l'écho raisonne dans les mots qui clôturent le film : "Would you rather be a fish ?". La vie de Paterson est répétitive ; comme un poisson rouge, il fait des aller-retours dans le bocal qui est le sien, entre sa maison où la boîte aux lettres doit toujours être redressée et son bus qu'il conduit tout écrivant mentalement des poèmes. Son monde semble irréel : les éléments qui marquent son esprit se matérialisent étrangement, un acteur joue le drame qu'il rêverait d'incarner plutôt que de le mettre en scène, sa femme s'évertue à "réaliser ses rêves" dans des efforts considérables qu'elle éparpille, tandis que ses songes nocturnes se répercutent curieusement dans la vie de Paterson. Il faut qu'il publie ses magnifiques poèmes, lui dit-elle à longueur de journée, alors qu'il n'a même pas le courage de s'assurer de leur conservation. Paterson voudrait-il vivre ailleurs qu'à Paterson, où son univers semble désincarné ? Exécute-t-il la vie qu'il souhaite ? S'il semble avoir conscience du caractère vide de sens de son existence, pourtant teintée d'élans magnifiques, il est possible qu'il y trouve une réelle satisfaction. Il nous renvoie sans cesse à nos propres choix, à nos propres questionnements.
Le film est porté par Adam Driver, dont le visage particulier exprime naturellement toute sorte d'interrogations. La photo et les cadres subliment l’œuvre, lui octroie un éclat en apesanteur tout en élégance.
And you, would you rather be a fish ?

GreenSubmarine
9
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le 13 janv. 2017

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