Dernier né de Jarmush, Paterson nous emmène loin de ses habituels personnages révoltés et/ou marginaux (Dead Man, Broken Flowers, Only Lovers Left Alive...), pour nous parler de l'autre face du monde : les gens normaux, classiques, banals dans la vraie vie.
On est donc à Paterson, New Jersey, une ville plate et tranquille. Dans une petite maison à la porte rose, vivent Paterson (Adam Driver), Laura (Golshifteh Farahani) et Marvin (le bouledogue). Pendant une semaine, on suit le quotidien tranquille et répétitif du trio. D'abord Paterson, chauffeur de bus contemplatif, qui trimballe tant bien que mal sa carrure démesurée dans ce décor étriqué. Dès qu'il trouve une minute de tranquillité, il consigne d'une petite écriture serrée des poèmes dans un carnet ; des poèmes qui parlent de boites d'allumettes et du temps qui passe. Laura, elle, reste dans la maison à la porte rose et s'occupe à peindre des motifs noirs et blanc les murs, les rideaux, les pancakes et le collier du chien - jusqu'à l'écoeurement. Marvin, le petit bouledogue rabougri, semble toujours sur le point d'étouffer ; mais il est là, chaque jour, pour interpréter son rôle dans ce quotidien bien réglé.
Dans Paterson, l'amour est fort mais peu démonstratif, les joies réelles mais insignifiantes, les drames sans éclat. Aucune place pour les envolées dramatiques : on est dans la vie, pas dans un film, on vous dit. Comme dans la vie, on peut s'ennuyer, ou prendre les choses comme elles viennent, et dénicher l'humour et la poésie qu'elles cachent.
Au final, difficile de dire si on est dans la joie simple ou dans l'amertume profonde. Peut-être juste le constat sans appel de la banalité terrifiante de la vie. Et l'invitation à trouver chacun notre petit carnet, pour faire de notre déambulation dans cette étrange chose qu'est la vie un pèlerinage poétique.

JulieRoule
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le 16 nov. 2017

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Julie Roule

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