Un film sur un passé révolu

Cela fait du bien de voir un Spielberg en très bonne forme dans cette décennie 2010 où ce grand réalisateur a été souvent décevant (Les aventures de Tintin, Lincoln et Le pont des espions font parti à mon avis de ses moins bons films. Je n'ai pas vu le Bon gros géant mais les critiques ont l'air très négatives. Seul Cheval de guerre me semble sortir du lot).
Le problème de ses derniers films, c'est qu'ils étaient loin d'être captivants même si au niveau de la mise en scène c'était toujours aussi réussi. Avec Pentagon Papers, c'est toujours majestueux au niveau de l'image et de la mise en scène, mais là c'est captivant. Passionnant même. On ne s'ennuie pas une seconde. Le rythme est rapide et pourtant toujours clair.
Le casting est très bon, les acteurs n'en font jamais trop, savent rester sobres tout en gardant une certaine intensité, et n'ont pas la mauvaise idée de vouloir faire des "performances" pour gagner des oscars. Cela leur permet d'être très convaincant. La musique de John Williams est elle aussi au rendez-vous.

Au niveau du fond, au-delà de l'histoire racontée par Spielberg, ce qui m'a sauté aux yeux c'est que ce film montre une époque aujourd'hui révolue. L'époque d'avant internet.
C'est un film sur la liberté de la presse. Mais de quoi parle-t-on quand on parle de liberté de la presse ? Qui détient réellement cette liberté dans ce film ? L'autorisation de publier qu'attendent tous les journalistes qu'on voit dans le film ne vient pas de la justice ou des institutions : non, les journalistes attendent l'autorisation du personnage joué par Meryl Streep, la propriétaire du journal.
In fine, la décision de justice autorisant la publication du journal ne concerne pas les journalistes, elle concerne seulement le personnage de Meryl Streep. Les journalistes, eux, n'ont seulement le droit que de publier ce que la propriétaire du journal les laisse publier.
Ce qu'on appelait la liberté de la presse, cela ne concernait dans les faits que les gens assez riches pour posséder de quoi imprimer des journaux en grand nombre et les distribuer en grand nombre. Des gens qui, comme Meryl Streep dans le film, sont proches des politiciens et des banquiers, qui naviguent dans le même petit monde.

Internet a tout changé.

Aujourd'hui, n'importe qui a la possibilité d'écrire ce qu'il veut, et ses propos peuvent potentiellement être lus par le monde entier. Les gens n'ont plus à attendre l'autorisation d'un riche propriétaire de presse, la liberté de publier les concerne directement.
Alors c'est sûr, cette liberté est la porte ouverte à toutes les fakes news et à toutes les propagandes délirantes. Et, c'est sûr aussi, internet étant un média jeune, la majorité des gens continue encore aujourd'hui à s'informer par les journaux appartenant à de riches propriétaires. Mais malgré ses dérives et malgré sa jeunesse, cette liberté existe aujourd'hui. La liberté de publication a enfin un sens réel. Et ça, c'est nouveau.

Enfin bon, quoi qu'il en soit de mes petites réflexions, Pentagon Papers est un excellent film.

Note : 14/20